Le point de bascule est en vue : la demande croissante pour les actifs privés rencontre une innovation rapide du côté de l’offre.

Points clés

  • À mesure que les régimes de retraite complémentaire se consolident et constituent des réserves de capitaux toujours plus importantes, ils sont de plus en plus capables d’investir à grande échelle. Cela leur permet de réduire les frais et de rendre les actifs privés plus abordables, sans compromettre la qualité.
  • La dynamique réglementaire et politique est en train de stimuler la demande. Le pacte d’investisseurs britanniques dit de Mansion House (« Mansion House Compact ») encourage les fonds par défaut des régimes à cotisations définies à allouer 5 % de leurs actifs à des actions non cotées d'ici 2030. En outre, l'autorité de régulation britannique autorise désormais les commissions de performance dans les fonds par défaut des régimes à cotisations définies, et ces commissions sont alors exclues du plafond de frais.
  • L'innovation du côté de l'offre, qu’il s’agisse des fonds dits « evergreen », de nouvelles structures de frais ou de l'accès à des gérants émergents, doit poursuivre sur sa lancée pour que l'inclusion des actifs privés dans les portefeuilles devienne une réalité.

Depuis plusieurs années, les régimes de retraite complémentaire à cotisations définies (« CD ») peuvent permettre à leurs bénéficiaires d'accéder aux marchés privés. Pourtant, les allocations aux actifs privés apparaissent dans leur ensemble assez négligeables, malgré le surcroit de performance, de diversification et de protection à la baisse qu'elles peuvent offrir, comme cela a été largement documenté.

Les raisons de cette réticence sont nombreuses. Parmi elles, on peut citer une certaine frilosité des administrateurs de ces régimes : ils ont tendance à être prudents à l'égard des nouvelles classes d'actifs en général et des investissements illiquides en particulier.

Le prix constitue également un problème. Les actifs privés requièrent une expertise pointue et une gouvernance minutieuse, de sorte que les frais tendent à être plus élevés que dans la gestion d'actifs cotés. Si les plafonds de frais de gestion dans les portefeuilles par défaut des régimes à cotisations définies britanniques sont de 75 points de base, ces frais dans un marché concurrentiel en cours de consolidation se négocient actuellement plutôt autour de 25 points de base. En conséquence, les frais de gestion d’actifs privés ont longtemps été considérés comme difficilement compatibles avec les exigences des régimes à cotisations définies.

La consolidation du marché des régimes de pension implique un élargissement de la gamme d'actifs

Mais les temps changent. Du côté de la demande, la dynamique s'améliore, car les régimes se consolident et créent des réserves d'actifs toujours plus importantes qui peuvent être investies à grande échelle afin de générer une plus grande diversification et de meilleures performances nettes pour leurs bénéficiaires. Cela crée des flux de trésorerie significatifs qui pourraient bien faire baisser les frais et rendre en particulier les actifs privés plus abordables.

« D'environ 5 000 régimes CD à promoteur unique, nous sommes passés à la phase finale de la consolidation, qui entraînera peut-être la constitution de 10 à 20 méga-régimes à cotisations définies, ainsi que d’une petite poignée de régimes d'entreprises individuelles très importants », déclare Nick Groom, responsable de la stratégie et des ventes pour les régimes CD chez Natixis Investment Managers (Natixis IM).

Selon Nick Groom, il s'agit là de l'évolution naturelle d'un processus qui a débuté avec l'avènement de l'auto-adhésion en 2012 et de la conversion, au fil des années, des régimes à prestations définies en régimes à cotisations définies et à promoteur unique.

Cette dynamique, qui se manifeste depuis de nombreuses années, a créé d'énormes réserves de trésorerie pour les retraites, qui nécessitent un large éventail d'actifs pour produire les rendements dont les bénéficiaires ont besoin.

« Les marchés privés, avec les avantages de diversification et de performance qu’ils procurent, constitueront une part significative et croissante du mix requis par les épargnants à long terme », déclare à ce titre Nick Groom.

À mesure que les régimes se familiariseront avec les actifs privés, ils bénéficieront des avantages d'une classe d'actifs faiblement corrélée aux autres investissements, moins volatile que les actifs cotés comparables, et dans laquelle les gérants exercent souvent un contrôle plus direct que dans le cas de titres cotés. 

Dynamique réglementaire et politique

La demande est également stimulée par des mesures gouvernementales qui encouragent de plus en plus l'adoption d'actifs privés. Le double objectif est de stimuler la croissance économique et d'améliorer les résultats des pensions privées.

L'un des principaux objectifs du Mansion House Compact, une initiative juridiquement non contraignante lancée fin 2023, est que les fonds par défaut des régimes à cotisations définies allouent au moins 5 % de leurs actifs à des titres non cotés d'ici 2030. Actuellement, seulement 0,5 % des actifs des régimes de retraite CD du Royaume-Uni sont investis dans des titres britanniques non cotés.

L'initiative a été annoncée dans le cadre du premier discours de Mansion House du chancelier Jeremy Hunt. Ce dernier estime que les réformes proposées pourraient permettre d’augmenter la pension d’un retraité type de plus de 1 000 £ par an. Ce pacte a été signé par la plupart des grands prestataires de régimes à cotisations définies du Royaume-Uni.

En outre, le gouvernement a modifié les règles applicables aux régimes à cotisations définies afin de permettre l'utilisation de commissions de performance, qui sont désormais exclues du plafond de frais. Malgré les nombreux détracteurs, ces commissions de performance pourraient s'avérer nécessaires pour garantir que la qualité sous-jacente des investissements n'est pas compromise par le fait de demander aux acteurs traditionnels de changer la façon dont ils sont rémunérés pour le bien du marché britannique des régimes à cotisations définies, marché certes important, mais encore assez petit à l’échelle mondiale.

Une autre initiative de la FCA a été de créer les Long Term Asset Funds (LTAF). Ces véhicules sont conçus pour permettre aux gérants des régimes à cotisations définies d'accéder plus facilement et plus simplement à des investissements à long terme sur les marchés privés. Nick Groom indique que les gérants peuvent allouer des fonds aux marchés privés sans utiliser les LTAF, mais que ces nouvelles structures représentent un autre mode d'accès bienvenu. « Toutes les initiatives visant à faire avancer les choses sont utiles », déclare-t-il.

Innovation du côté de l’offre

L'innovation du côté de l'offre crée également une dynamique en faveur de l'introduction d'actifs privés dans les portefeuilles des régimes à cotisations définies. Par exemple, Natixis Investment Managers innove pour réduire la contrainte que constituent les commissions de gestion dans ses stratégies sur les marchés privés.

Il s'agit notamment de l'utilisation flexible des commissions d'origination dans le crédit privé : au lieu de réinvestir les commissions d'origination, qui constituent un coût de transaction, les membres reçoivent une commission récurrente beaucoup moins élevée. 

Par ailleurs, les sociétés de private equity peuvent offrir un point d'entrée aux actifs de capital investissement avec des frais réduits. Les fonds de co-investissement, dont les frais sont généralement beaucoup moins élevés que ceux des fonds primaires, en sont un exemple. Si les co-investissements peuvent être combinés avec des fonds secondaires de capital-investissement, les frais moins élevés peuvent s’accompagner d’une plus grande liquidité (puisque les actifs secondaires sont plus proches de leur date de maturité). « Pour le dire simplement, des durées plus courtes sont synonymes de plus grande liquidité », note Nick Groom.

D'autres solutions innovantes incluent des allocations à des gérants d'actifs privés émergents. Ceux-ci peuvent se révéler tout aussi compétents que les opérateurs plus expérimentés, mais être accessibles à des frais nettement inférieurs compte tenu de leurs historiques plus limités.

Investissements adaptés aux régimes à cotisations définies

L'innovation en faveur des régimes à cotisations définies apparait de façon évidente dans une stratégie développée par deux affiliés de Natixis IM, qui ont uni leurs forces pour créer une exposition à la dette privée à faible coût et à gouvernance réduite.

Une partie des actifs est allouée à la dette privée européenne gérée par MV Credit, tandis que le reste est investi dans des portefeuilles de crédit liquides multi-actifs gérés par Loomis Sayles & Co.

Contrairement aux allocations aux stratégies de dette privée pure, la solution MV Credit/Loomis Sayles investit le capital des investisseurs immédiatement. L'argent des investisseurs peut initialement être alloué au portefeuille liquide de Loomis Sayles qui permet de le déployer rapidement. Parallèlement, MV Credit identifie des opportunités d'investissement sur le marché privé afin d'améliorer la performance de la stratégie. Au fur et à mesure que ces opportunités se concrétisent, Loomis Sayles liquide certains actifs et le produit est utilisé pour acheter de la dette privée gérée par MV Credit.

Le processus est répété jusqu'à ce que tous les actifs de l'investisseur atteignent la répartition cible. Lorsque le concept a été lancé au début de l'année 2021, la répartition cible des actifs était de 50/50. Mais pour les clients qui peuvent gérer la liquidité au niveau du portefeuille, la proportion initiale investie dans des actifs privés peut aller de 50 % à 100 %.

Et Nick Groom d’ajouter : « Même avec 100 % de dette privée, la stratégie présente toujours des caractéristiques favorables aux régimes à cotisations définies dans la mesure où elle reste ouverte en permanence aux souscriptions (notion « evergreen »). Il existe une valorisation quotidienne (bien que reposant sur des cours anciens), et les investisseurs peuvent réaliser des opérations de souscription/rachat au cours des séances habituelles de négociation ». 

L'allocation au crédit privé est particulièrement profitable à la performance en période de turbulences. Cette approche a fait ses preuves lors des pics de volatilité survenus en 2022 sur les marchés d’actifs cotés. Alors que la corrélation entre actifs cotés a beaucoup augmenté, les marchés de dette privée ont continué de progresser régulièrement, explique Nick Groom.

« Tant que le processus de due diligence est correctement mené, les entreprises font rarement défaut sur les prêts privés accordés. MV Credit sélectionne des entreprises solides dans des secteurs porteurs qui continuent simplement de payer les intérêts sur leurs prêts. La volatilité des marchés d’actifs cotés n'a pratiquement aucune importance pour eux ».

Les régimes et les plateformes sont en train de changer d’état d’esprit

L'état d'esprit qui règne au sein des régimes et des plates-formes est propice à la réalisation d’actions concrètes. La solution dette cotée/privée de Natixis IM, par exemple, se retrouve déjà dans de nombreux fonds par défaut proposés par des régimes à cotisations définies.

« Nous arrivons à un point de bascule », déclare Nick Groom. « Les administrateurs deviennent moins frileux et se rendent compte que le véritable risque est de ne pas s’exposer aux marchés privés. Le Mansion House Compact l'énonce en termes clairs et précis ».

Si certains régimes à cotisations définies ont essayé d'intégrer des investissements dans des structures permettant à leurs bénéficiaires de consulter en ligne la valeur de leur épargne retraite 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, on s'est rendu compte qu’ils n'avaient pas forcément besoin de ce type de visibilité. Et Nick Groom de poser la question suivante : « si l'on parle d'un investissement sur 30 ou 40 ans, pourquoi avoir besoin d'une valorisation et d'une liquidité quotidiennes ? »

La liquidité est de plus en plus gérée à un niveau plus élevé, ce qui permet des mouvements de trésorerie et des allocations à des actifs cotés et désormais non cotés. Et Nick Groom de conclure : « Les régulateurs, les gouvernements, les régimes de retraite et les plateformes doivent tous continuer à évoluer et à innover pour que davantage de régimes et de bénéficiaires dont ils s’occupent puissent bénéficier de ces actifs privés attractifs ».

Publié en avril 2024

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