Francois Collet

François Collet

Gérant obligataire
Directeur adjoint de la gestion
DNCA Finance
François Collet, directeur adjoint de la gestion obligataire chez DNCA, évoque les perspectives actuelles sur les marchés, les éléments susceptibles de les bouleverser et les raisons pour lesquelles il estime que l’agilité et une véritable diversification sont essentielles sur le marché actuel.

Selon vous, quelles sont les perspectives macroéconomiques actuelles pour le premier trimestre et les suivants ?
François Collet : Après une année 2023 plus solide que prévu, il semble que la récession sera à nouveau évitée en 2024, même si la croissance devrait se modérer.

L’année dernière a été marquée par une désinflation rapide à partir de niveaux très élevés et nous pensons que cette baisse de l’inflation, associée à une hausse conséquente des salaires réels, maintiendra la consommation à des niveaux corrects. Nous le constatons déjà aux États-Unis, où le moral des consommateurs s’améliore, sachant que la consommation représente 70 % de l’économie américaine.
Certains signes semblent indiquer que l’Europe, et peut-être même la Chine, commencent à toucher le fond, surtout si l’on considère les principaux indicateurs et des pays comme la Corée du Sud ou la Suède. En Chine, après une déception majeure en 2023, des signes positifs apparaissent en réponse aux mesures mises en place par la Banque populaire de Chine (PBoC) depuis la fin du printemps de l’année dernière. Cela devrait aider l’Europe et son secteur industriel.

De plus, les banques centrales ont commencé à s’engager prudemment dans un cycle d’assouplissement, dans l’espoir, selon nous, de parvenir à une stabilisation de la situation. Les risques d’un resserrement excessif et d’une récession de l’économie mondiale sont donc assez faibles, d’autant plus que certaines banques centrales, notamment la Réserve fédérale américaine, ont souligné qu’elles préféraient abaisser les taux pour que les taux réels restent moins restrictifs. Il s’agit d’un changement important par rapport à 2022 et même 2023, où l’on observait une tendance au durcissement.
Les craintes de récession semblent donc apaisées pour 2024. Même si les économies sont amenées à ralentir, une phase de stabilisation se dessine et, avec des banques centrales plus souples, cela devrait rassurer les investisseurs.

Qu’est-ce qui pourrait remettre en cause cette vision ?
FC : Si les perspectives économiques semblent bonnes, la situation géopolitique est plus incertaine. La crise actuelle au Moyen-Orient reste un risque pour l’économie mondiale. Une nouvelle aggravation du conflit pourrait avoir un impact majeur sur les cours du pétrole et l’activité économique.

Rappelons que ce sont les chocs de la chaîne d’approvisionnement et la flambée des cours du pétrole qui ont fait exploser l’inflation en 2022. En cas de choc pétrolier, la zone euro devra démontrer qu’elle peut resserrer son budget sans trop nuire à la croissance.

Une autre préoccupation est la viabilité de la dette publique dans certains pays, dont les niveaux d’endettement atteignent des sommets. Les États-Unis devront démontrer qu’ils peuvent maintenir une politique budgétaire souple sans exercer de pression sur les rendements obligataires, ce qui pourrait obliger la Réserve fédérale à « monétiser » les déficits à terme.
Si la fin du resserrement quantitatif semble se profiler à l’horizon 2024, l’émission d’obligations du Trésor atteindra d’ici là de nouveaux records et dépassera probablement le goût des investisseurs pour les actifs financiers à long terme, ce qui aura un impact sur la partie longue de la courbe des taux.

Pour l’instant, Janet Yellen a apaisé les craintes du marché en annonçant des financements favorables au marché, mais nous ne sommes pas certains que cela se poursuive tout au long de l’année, car les déficits continuent à se creuser.

La dominance fiscale, la démondialisation, les tensions géopolitiques, les contraintes en matière de ressources et la transition écologique obligent-ils les investisseurs à adopter de nouvelles perspectives ?
FC : Il s’agit là de nouvelles préoccupations auxquelles les investisseurs devraient prêter attention. Les dépenses budgétaires n’étaient pas un problème après 2008 et les gouvernements ont adopté l’austérité. Actuellement, certains gouvernements adoptent de facto des politiques fondées sur la « théorie monétaire moderne », en creusant des déficits comme en temps de guerre alors que le taux de chômage est proche de son niveau le plus bas. Il s’agit là d’un changement considérable.

La démondialisation est un phénomène relativement nouveau qui devrait se poursuivre. Les tensions géopolitiques, en particulier au Moyen-Orient, n’ont jamais été aussi vives depuis au moins une génération. Par ailleurs, la transition verte se poursuivra, dans un contexte de contraintes croissantes en matière de ressources. Il y a aussi la question du resserrement séculaire des marchés de l’emploi, à un moment où la productivité n’a pas beaucoup augmenté. Tous les éléments sont réunis pour une forte croissance des salaires, ainsi qu’une inflation de base plus élevée.
Dans ce contexte, nous pensons que les investisseurs doivent adopter de nouvelles perspectives. Si la désinflation devait se poursuivre dans un avenir proche, elle s’explique en grande partie par des effets de base, tels que le logement et l’énergie, qui ne peuvent perdurer indéfiniment.

En effet, nous ne serions pas surpris de voir l’inflation s’établir à un niveau plus élevé qu’auparavant et la volatilité de l’inflation rester plus forte, ce que l’on observe déjà dans certains indicateurs tels que les prévisions d’inflation à long terme.

Cette dernière partie est importante : les entreprises et les investisseurs peuvent s’habituer à ce que l’inflation s’établisse peut-être à un niveau modérément plus élevé, mais ce qu’ils n’ont pas eu à affronter depuis une génération, sont des fluctuations brutales des prix, qui affectent les corrélations entre les actifs et les plans de dépenses futurs.
Alors qu’auparavant il était supposé qu’un portefeuille composé d’actions et d’obligations, et éventuellement d’un peu d’immobilier, était suffisamment diversifié pour offrir un niveau décent d’atténuation des chocs du marché, 2022 a rappelé de manière convaincante que différent et diversifié ne sont pas forcément toujours la même chose. Par exemple, comme nous l’avons vu en 2022, un choc pétrolier pourrait entraîner une vente simultanée des deux. Les investisseurs devront donc faire preuve de beaucoup plus de souplesse qu’auparavant.

Qu’est-ce que cela pourrait signifier pour les actifs ? La volatilité accrue des prix des actifs est-elle appelée à perdurer si la volatilité de l’inflation reste élevée ?
FC : Oui. Une volatilité plus élevée de l’inflation est particulièrement préjudiciable pour plusieurs raisons. Premièrement, si les banques centrales veulent vraiment maintenir l’inflation stable autour de 2 % (et nous pensons que c’est le cas), leur fonction de réaction devra alors être plus agressive, plus souvent, pour maîtriser l’inflation lorsqu’elle dépasse de loin les 2 %. Ceci est évidemment mauvais pour la quasi-totalité des actifs, car ils drainent les liquidités et durcissent les conditions financières comme en 2022.

Deuxièmement, si l’inflation est moins certaine et plus volatile, les investisseurs obligataires sont susceptibles d’exiger une prime de terme plus élevée pour détenir des obligations à plus long terme, tandis que les rendements sont susceptibles d’augmenter à l’occasion.

En termes très simples, cela pourrait peser sur les obligations d’État, accentuer les courbes de rendement et nuire aux actions, dont les valorisations sont actualisées par rapport aux rendements obligataires et au « taux sans risque ». Les valorisations des actions dans certains pays comme les États-Unis ne sont pas bon marché et pourraient faire l’objet d’une décote si l’inflation s’installe ou si les rendements s’envolent comme en 2022, en particulier les actions à plus longue durée et sensibles aux taux d’intérêt comme les actions technologiques.

Ce phénomène s’est également produit brièvement en 2023, lorsque les politiques budgétaires agressives du gouvernement américain ont fait grimper les primes de terme, au détriment des actions. Ainsi, en 2022, nous avons connu un choc pétrolier et en 2023, des problèmes budgétaires. Les deux restent des risques.

Ainsi, comme je l’ai mentionné, les investisseurs doivent penser à une véritable diversification. Le portefeuille 60/40 et l’idée que les actions et les obligations seront toujours inversement corrélées sont un phénomène relativement nouveau. Si l’on regarde l’histoire, en particulier lorsque les gouvernements ont ciblé l’économie réelle et la croissance économique, comme ils le font actuellement, cela n’a généralement pas été le cas. Il s’agit d’une réalité que les investisseurs doivent accepter ou à laquelle ils doivent être ouverts.

Cela favorisera-t-il les investisseurs actifs capables de faire preuve de souplesse et d’une réelle diversification ?
FC : Selon nous, oui. L’augmentation de la volatilité future est susceptible de peser sur les rendements attendus de la plupart des actifs et de compliquer la tâche des répartiteurs. La « grande modération » pourrait s’avérer être une aberration historique. Toutefois, nous pensons que cela pourrait être une aubaine pour ceux qui sauront en tirer parti.
En 2022, nous avons constaté que le principal secteur de diversification pour les investisseurs en actions était le pétrole, et que l’énergie était le seul secteur d’actions qui affichait des rendements élevés en raison de la hausse des rendements obligataires. Cela paraît logique, étant donné que le pétrole alimente directement l’inflation. Pourtant, de nombreux investisseurs, que ce soit en raison de contraintes ESG ou pour d’autres motifs, n’avaient tout simplement pas la flexibilité de répartir et de diversifier leurs investissements de cette manière.

Il en va de même pour les obligations. Si les stratégies de rendement absolu de DNCA se sont très bien comportées, en raison de leur capacité à raccourcir la duration ou même à vendre à découvert des obligations à duration plus longue, la plupart des fonds obligataires traditionnels n’ont pas ce luxe.

Pour cette raison, nous adoptons une approche très diversifiée pour nos portefeuilles d’obligations et avons élargi notre gamme de fonds à rendement absolu. Selon nous, les obligations continueront à éprouver des difficultés et n’offriront peut-être plus le soutien ou la défense d’autrefois et dont les investisseurs ont encore besoin.

Avec l’expertise adéquate, la volatilité peut devenir un atout et plutôt qu’un obstacle. Le marché obligataire haussier de 40 ans est peut-être en train de se terminer, mais grâce à des stratégies telles que la gestion de la duration, l’arbitrage, la valeur relative, etc., nous pensons qu’un nouveau marché haussier pour les investisseurs agiles et intelligents ne fait que commencer.
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