La dégradation de la nature est de plus en plus reconnue comme un risque physique qui peut affecter négativement de nombreuses activités dans diverses régions du monde. Afin d'assurer la résilience des chaînes de valeur et plus généralement, de l'économie, les décideurs politiques ainsi que les acteurs économiques vont être amenés à intégrer de plus en plus la nature dans leur décision d'investissement et leur stratégie.
Vers quels secteurs et opportunités vous tournez-vous en ce moment dans le domaine du capital naturel ?
Dans le domaine du capital naturel, nous accompagnons deux types d'activité, la première, les actifs environnementaux, qui consistent à soutenir des solutions fondées sur la nature, générant des crédits carbone de haute qualité. Il s'agit par exemple de reforestation de protection et de restauration de mangrove ou de tourbières. Deuxièmement, nous soutenons des projets de gestion durable des terres. Il s'agit par exemple d'agriculture régénératrice, d'agroforesterie et de foresterie durable. Ces projets visent à générer de la nourriture et des fibres pour l'économie.
Pouvez-vous donner des exemples récents de projets innovants que vous avez identifiés ?
Dans la stratégie actifs environnementaux, nous avons récemment soutenu le projet Imperative Spekboom en Afrique du sud, qui consiste à restaurer des prairies dégradées par la plantation d'une espèce endémique qui améliore significativement les services écosystémiques et séquestres du carbone. Dans la stratégie gestion durable des terres, nous soutenons le projet Kennemer aux Philippines, qui travaille avec des milliers de petits producteurs pour développer une chaîne d'approvisionnement de cacao durable certifié par Rainforest Alliance, tout en protégeant les forêts primaires.
En quoi la « blended finance » (ou finance mixte publique-privée) est-elle un outil important pour les investissements en capital naturel ? Quelles en sont les grandes tendances actuelles ?
En tant que nouveau thème d'investissement, en particulier dans les pays émergents, le capital naturel nécessite une partie de derisking de la part d'investisseurs publics pour attirer davantage de capitaux commerciaux privés. Dans un contexte de contraintes budgétaires fortes pour les gouvernements, la finance mixte est un moyen d'exploiter beaucoup plus efficacement l'argent des contribuables. Dans les mois récents, nous avons vu une certaine diminution des budgets dédiés à la finance mixte de la part de certains gouvernements, en particulier en provenance des Etats-Unis et de l'entité USAID. Néanmoins, il demeure un engagement très fort, notamment des gouvernements du G7, pour ce type de financement. Et par ailleurs, nous voyons aussi l'engagement de la philanthropie pour ces types de financement mixte.
Comment vous assurez-vous que les mandats que vous confient des entreprises pour investir dans le capital naturel ne sont pas des opérations de greenwashing ?
En tant que société à mission et investisseur à impact, l'intégrité est centrale dans nos démarches pour sélectionner les entreprises avec lesquelles nous travaillons. Nous avons développé des critères stricts qui incluent en particulier l'adoption d'une stratégie net zéro alignée avec la science. Et en ce qui concerne l'usage des crédits carbone, ils doivent être utilisés en complément des efforts de réduction et non les remplacer.
Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés lorsque vous essayez de quantifier la valeur du capital naturel dans des investissements d'actifs privés, et comment y répondez-vous ?
Pendant des décennies, des services écosystémiques rendus par la nature, tels que la purification de l'air ou de l'eau, n'ont pas été intégrés dans le système économique. Ces imperfections de marché doivent être progressivement adressées en internalisant les externalités positives, comme le disent les économistes. En termes de signal prix, nous voyons aujourd'hui deux principaux développements. D'une part, les primes de certification qui valorisent les bonnes pratiques alignées avec la protection et la restauration de la nature, comme les certifications FSC et Rainforest. Par ailleurs, le prix du carbone valorisé à travers la monétisation de crédit carbone de haute qualité issus de solutions fondées sur la nature, est également très prometteur.
L'équipe du capital naturel de Mirova a signé des partenariats avec des organisations liées au développement durable comme Rainforest Alliance. Qu'est-ce que ces partenariats aident les investisseurs à réaliser en termes d'impact ?
Mirova a mis en place des partenariats avec Rainforest Alliance d'une part et FSC, d'autre part, avec deux principaux objectifs. Le premier est de s'assurer de la qualité des projets sous-jacents du fait de la haute qualité de ces standards environnementaux et sociaux, sans pour autant remplacer notre travail d'analyse et de due diligence.
Le second est de développer un pipeline de projets très diversifié avec une présence géographique de ces standards partout dans le monde, en Amérique latine, en Afrique et en Asie.
À l'avenir, comment voyez-vous l'évolution de l'intégration du capital naturel dans les stratégies d'investissement et quel impact pensez-vous que cela aura sur les marchés privés ?
La dégradation de la nature est de plus en plus reconnue comme un risque physique qui peut affecter négativement de nombreuses activités dans diverses régions du monde. Afin d'assurer la résilience des chaînes de valeur et plus généralement, de l'économie, les décideurs politiques ainsi que les acteurs économiques vont être amenés à intégrer de plus en plus la nature dans leur décision d'investissement et leur stratégie. Dans ce contexte, le capital naturel peut représenter une véritable opportunité pour les investisseurs aux côtés d'autres classes d'actifs comme les infrastructures ou le private equity. Le capital naturel peut apporter un potentiel de diversification significatif pour les investisseurs dans leur portefeuille.