Source: Natixis IM Solutions, Preqin, 2024
Cependant, certaines des limites du portefeuille 60/40 qui ont été mises en évidence en 2022 ne peuvent pas être ignorées. Le double marché baissier des obligations et des actions a été déclenché par l'inflation, qui a eu un impact en cascade sur les obligations, provoquant un krach sur le marché des bons du Trésor et, à son tour, une correction du marché boursier. Comme je l'ai dit, c'était inhabituel.
Mais, tandis que les obligations et les actions s'effondraient, d'autres classes d'actifs se sont révélées plus résilientes : les marchés monétaires, la volatilité et les matières premières – le pétrole en particulier. Les marchés monétaires, par définition, n'ont pratiquement aucun risque de duration. De même, avec les matières premières, si vous aviez eu une exposition de 5 à 10 % à l'indice S&P GSCI – qui sert de référence pour l'investissement sur les marchés des matières premières – vous auriez compensé une grande partie de vos pertes dans votre portefeuille 60/40. Rappelons que l'inflation est calculée en incluant les prix de l'énergie et des matières premières.
Bien sûr, nous pouvons tirer des leçons de ce qui s'est passé en 2022, même si c'était une année exceptionnelle. Ne serait-ce que pour nous rappeler que la corrélation négative entre les obligations et les actions n'est pas une vérité immuable et qu'il y a du mérite à une diversification plus large allant des matières premières et de l'immobilier aux stratégies alternatives liquides et aux actifs privés.
En effet, les événements de 2022 ont renforcé l'argument en faveur d'une petite allocation aux matières premières, y compris l'or, à des fins de protection contre l'inflation. Mais il serait difficile de soutenir que les matières premières devraient représenter une allocation complète de 20 %, surtout lorsqu'il existe un nombre croissant d'alternatives disponibles, même pour les investisseurs de détail.
Prenons les alternatives liquides, par exemple – des stratégies visant à générer des performances indépendamment des orientations des marchés obligataires ou boursiers. Dans un monde où les produits de revenu fixe traditionnels ne garantissent pas toujours les qualités d'absorption des chocs qu'ils offraient autrefois, les stratégies alternatives liquides pourraient fournir une réponse.
Naturellement, les actifs privés vont être scrutés par les conseillers financiers au cours des prochaines années. Le profil de rendement amélioré attendu est évidemment quelque chose qui sera mis à l'épreuve. Les gens veulent s'assurer que le capital-investissement et, dans une moindre mesure, la dette privée, répondent effectivement à leur promesse d'une performance améliorée et de nouvelles sources de rendements.
Ensuite, il existe un certain nombre de « structures » autour de ces actifs, que ce soit par le biais de réglementations ou de lois fiscales, ainsi que l'accès via des plateformes, ce qui a, et continuera probablement d'augmenter l'accès aux actifs privés et d'aider ainsi à accroître leur inclusion dans les portefeuilles. En Italie, par exemple, il n'est pas secret qu'un avantage fiscal est accordé aux investissements dans le capital-investissement. Cela encourage évidemment l'investissement dans ces domaines et n'est pas uniquement motivé par les performances attendues.
La direction à suivre est clairement de tirer parti de cette démocratisation des actifs privés de manière plus large dans les portefeuilles et, par conséquent, nous sommes susceptibles de voir une croissance de la prévalence des portefeuilles 50/30/20. Mais, s'ils doivent devenir une caractéristique à long terme de l'allocation d'actifs, ils doivent tenir leurs promesses en matière de rendements améliorés et de diversification du point de vue du risque. Et, bien sûr, des éléments exogènes tels que le cadre réglementaire devront continuer à évoluer dans une direction favorable.
Q. Lorsque nous parlons de démocratisation, tous les types d'actifs privés conviennent-ils à tous les types d'investisseurs ?
« C'est une très bonne question, et la réponse est absolument non. Tout d'abord, la démocratisation des actifs privés semble fonctionner principalement, pour l'instant, pour les individus qui gèrent effectivement leurs propres cotisations de retraite dans le cadre de régimes de retraite à cotisations définies, ou pour les clients les plus riches dans leur catégorie d'investissements à long terme.
Il est juste de dire que chaque type d'investisseur a ses propres préférences. Les fonds souverains auront une préférence pour les infrastructures. Un family office préférera le capital-investissement. Pour les compagnies d'assurance, il s'agit principalement de la dette privée.
En ce qui concerne les investisseurs individuels, ce qui est évidemment dans le contexte de l'évolution du portefeuille 60/40, il s'agit probablement surtout de capital-investissement, et d'une touche de dette privée. Cela a à voir avec l'horizon d'investissement global que nous examinons, ainsi qu'avec le « retour sur investissement » attendu – en d'autres termes, l'amélioration attendue de la performance que vous pouvez obtenir avec le capital-investissement. »
Q. Dans le concept du 50/30/20, il reste évidemment la moitié du portefeuille allouée aux actions. Qu'est-ce qui, selon vous, va driver la performance du composant actions dans les années à venir ?
« Bien que des facteurs tels que le sentiment du marché, les conditions économiques et financières, les rachats d'actions et les événements géopolitiques puissent influencer la performance des actions, les fondamentaux des entreprises restent un déterminant crucial des rendements boursiers à long terme. En effet, les bénéfices et la croissance des bénéfices attendue ont été des indicateurs constants de la performance future des actions et sont susceptibles de le rester dans la décennie à venir.
En reflétant la santé financière des entreprises et leur capacité à croître, les bénéfices sont un baromètre de l'efficacité de la direction et du positionnement sectoriel, et constituent un indicateur fort de la capacité d'une entreprise à devenir rentable et à restituer de l'argent aux investisseurs. Cela dit, d'autres fondamentaux des entreprises méritent également d'être pris en compte de manière complémentaire, en particulier leur importance tendant à varier dans l'esprit des investisseurs.
L'importance continue des bénéfices dans la performance des actions peut être illustrée par la part des États-Unis dans la capitalisation boursière mondiale, qui a constamment augmenté depuis la crise financière mondiale et atteint désormais 61 %. Dans une étude citée par The Economist, la principale raison de la domination américaine est que le bénéfice par action de l'indice MSCI des États-Unis a augmenté de 162 % depuis mars 2008.
En revanche, le bénéfice par action des marchés mondiaux, hors États-Unis, a chuté de 2 % en termes de dollars durant cette période. Et aucun facteur autre que les bénéfices ne peut statistiquement expliquer la hausse des actions américaines par rapport à la capitalisation boursière mondiale.
Ces dernières années, les entreprises ayant les plus solides fondamentaux, également appelées « entreprises de qualité », ont le mieux performé, en particulier aux États-Unis. Cela était justifié par un environnement économique qui nécessitait une résilience des entreprises. En revanche, lorsque la croissance économique s'accélère, les entreprises aux fondamentaux plus faibles peuvent surperformer leurs pairs en raison de leur adhérence intrinsèque au cycle économique.
Toute déviation majeure par rapport aux principes fondamentaux de valorisation est généralement qualifiée de bulle et est corrigée tôt ou tard. Au contraire, nous croyons que certains fondamentaux seront très probablement scrutés par les investisseurs de manière rotative en fonction du contexte économique. En fin de compte, l'identification des fondamentaux à suivre peut dépendre d'une évaluation de la phase du cycle macro-économique dans laquelle nous nous trouvons et des perspectives pour la décennie à venir. »
Texte écrit en novembre 2024.