Le chaos après la libération ?
La théorie des jeux enseigne qu’un équilibre coopératif vaut mieux, du point de vue de l’utilité (ou du gain) qu’une stratégie fondée sur la maximisation de l’intérêt individuel. Il semblerait que l’administration américaine n’ait pas prêté attention à cette conclusion. L’offensive tarifaire, sans précèdent dans l’histoire économique contemporaine, décidée le 2 avril dernier est une nouvelle illustration de l’orientation isolationniste et non-coopérative que le Président D. Trump souhaite donner aux Etats-Unis.
La décision d’imposer des tarifs réciproques, qui s’additionnent aux tarifs déjà existants, répond à trois objectifs :
- Tout d’abord contraindre les entreprises étrangères à produire localement dans le but de réindustrialiser les Etats-Unis et promouvoir l’emploi sur le territoire américain.
- Le second objectif de l’administration américaine est de générer suffisamment de marges de manoeuvres budgétaires pour pouvoir réduire la pression fiscale sur les ménages et les entreprises à partir de l’année prochaine.
- Enfin, il s’agit également pour Donald Trump de briser l’ensemble des règles du commerce mondial pour asseoir la suprématie économique américaine sur ses principaux partenaires commerciaux et généraliser une logique de négociations bilatérales. Le président américain s’est par ailleurs exprimé à plusieurs reprises sur la nécessité d’affaiblir le dollar pour soutenir les exportations de biens et de services américain au nez et à la barbe des partenaires commerciaux des Etats-Unis, alimentant ainsi la rhétorique d’un équilibre non-coopératif.
Avant d’analyser les conséquences de ces mesures tarifaires, en termes de croissance et d’inflation, il est utile de souligner qu’à court comme à long terme, ces stratégies non-coopératives, unilatérales et discrétionnaires sont de nature à alimenter un phénomène qui avait disparu depuis de nombreuses décennies. La volatilité du cycle macroéconomique devrait ainsi faire partie intégrante du paysage économique, dimension qu’il conviendra d’intégrer désormais dans toute décision d’investissement.
La détermination des tarifs réciproques est basée sur l’ampleur du déficit commercial qu’observent les Etats-Unis avec des pays tiers (hors services) modulo un facteur correctif fixé à 2. Cette approche simpliste ignore, tout ou presque, des déterminants des flux de commerce entre deux pays. Ainsi la Chine voit ses exportations soumises à des tarifs en constante évolution, l’Europe à des tarifs de 20%, le Royaume Uni de 10% et le Japon de 24%. Avant le 2 avril, les importations américaines étaient en moyenne taxées à hauteur de 2.8% contre près de 20% aujourd’hui.
Les Etats-Unis ont donc multiplié par près de 7 les tarifs douaniers moyens sur leurs importations. Quelles en sont les consequences ?
Ne pas céder aux sirènes de la recession
Les recettes fiscales issues des droits de douanes ont atteint près de 82 Mds $ en 2024 là où l’impôt sur les sociétés a permis à l’administration américaine d’engranger 670 Mds $ sur le même exercice. En supposant une élasticité unitaire des recettes douanières par rapport aux tarifs, nous estimons un supplément de revenu pour le budget fédéral à 420Mds $, en 2025. Sur un exercice complet, les recettes douanières pourraient ainsi rapporter 650 Mds $ compensant une éventuelle baisse du taux d’imposition sur les sociétés et sur les ménages, que nous anticipons pour 2026. D. Trump projetterait donc de soutenir le revenus des entreprises, tout comme en 2018, via des baisses vraisemblablement significatives d’impôts.
L’impact de ces tarifs douaniers sur l’inflation américaine est plus délicat à mesurer. Pour ce faire, nous retenons les paramètres suivants : une variation mensuelle du prix des biens manufacturés de 20%, le poids des biens manufacturés dans l’indice des prix à la consommation (20%), le contenu en biens manufacturés importés dans la consommation finale est de 25% (figure 1).