Comme si le poids de la règlementation qui est apparue depuis la crise financière de 2008 n’était pas suffisant, les mandataires des régimes de retraite britanniques doivent également évaluer l’impact financier du changement climatique. Cependant, en l’absence d’une définition commune de la manière dont les pratiques ESG peuvent faire la différence, tout cela semble un peu injuste mais pourrait être largement simplifié.

Points clés

  • Malgré les très nombreux et beaux discours des experts en développement durable au cours des dix dernières années, les mandataires de fonds de pension au Royaume-Uni ne savent toujours pas comment tenir compte du changement climatique dans leurs principes d’investissement
  • Aujourd’hui, la réglementation a été étoffée pour inclure l’investissement à impact, une philosophie simple qui offre aux mandataires la possibilité d’avoir un impact positif sur la société. Néanmoins, les puristes insistent le conflit possible entre le « caractère intentionnel » nécessaire et la priorité donnée au rendement
  • Celle nouvelle série de définitions et de mesures, qui viendrait alourdir la réglementation, pourrait empêcher ces investissements de bénéficier aux communautés locales. A l’inverse, une stratégie telle que la stratégie immobilière d’AEW au Royaume-Uni peut avoir un impact social important tout en répondant aux objectifs d’investissement fiduciaire, sans qu’une labellisation “fonds à impact social” soit nécessaire. AEW estime que s’efforcer d’agir dans le bon sens devrait primer sur un quelconque label lorsqu’il s’agit de faire le bien
Lorsque le concept de pratiques ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance) a fait son apparition dans le domaine de l’investissement, il semblait tellement merveilleux. Il encapsulait parfaitement en trois lettres un vaste éventail de risques et d’opportunités tout en :

  • lançant un débat tardif sur le bien-être social et la responsabilité des entreprises
  • reconnaissant que la bonne gouvernance était le moyen idéal de protéger les actifs des investisseurs
  • semblant permettre aux investisseurs de prendre en compte les effets du changement climatique ainsi que de nombreuses autres problématiques extra-financières.
Les problématiques ESG ont également sous-tendu les Principes des Nations unies pour l’investissement responsable, à partir desquels les politiques d’investissement responsable de nombreux gérants et investisseurs institutionnels ont été rédigées depuis sa création il y a plus de deux décennies.

Enfin, l’émergence des pratiques ESG a semblé apaiser certaines des tensions historiques associées à l’idéologie de « l’investissement éthique » – à savoir, quelle éthique est la plus louable, mais nuit le moins à la performance des investissements ?

Construire un monde meilleur
Bien sûr, l’expérience nous apprend que dès qu’un consensus se dégage au sein de la communauté financière, un nouvel ensemble de normes de mesure, de critères de performance, de rapports détaillés et de réglementations finit par suivre inévitablement. Il en va de même pour une série de consultants, de conseillers et de technocrates, chacun d’entre eux saisissant l’opportunité d’articuler et de promouvoir ce nouveau paradigme auprès des masses. Pourquoi ? Parce que notre secteur est quelque peu obsédé par les objectifs SMART1.

Certains des principaux acteurs du secteur ont rapidement tiré profit de cette tendance. Les soi-disant « chefs de file du développement durable » tiennent de beaux discours sur le fait de « créer un monde meilleur », et tentent de nous rassurer quant au fait que les objectifs de développement durable peuvent être atteints sans nuire à la performance des investissements. Comment peuvent-ils affirmer cela sans comprendre les objectifs spécifiques de l’investisseur ou du fonds d’investissement ? Cela semble naïf, au mieux.

Pourtant, en un rien de temps, le terme ESG a évolué du conceptuel au littéraire. Il est presque devenu un mot en soi. Il a maintenant fait son chemin jusqu’à la législation du Ministère du travail (Department of Work and Pensions) et des retraites et au Code de conduite du Régulateur des régimes de retraite (The Pensions Regulator) au Royaume Uni au point d’être pris en compte de façon systématique dans toutes les stratégies d’investissement.

Risques émergents
ESG – en tant que paradigme, concept et mot – est omniprésent dans la communauté des investisseurs britanniques. Pour autant, il n’existe aucune définition généralement reconnue ni compréhension commune de la signification réelle du terme ESG et de son impact.

Par conséquent, les mandataires des régimes de retraite britanniques, déjà accablés par une série d’exigences réglementaires apparues depuis la crise financière, ont une responsabilité supplémentaire à assumer. Et si personne ne peut nier que le changement climatique est un risque qui concerne l’ensemble de la société, on peut se demander s’il est légitime d’exiger des mandataires des fonds de pension qu’ils soient contraints d’assumer une telle responsabilité alors que la politique publique en matière de changement climatique permet au reste d’entre nous de continuer à consommer de manière exponentielle sans supporter le coût des dommages que nous causons à la planète.

Au vu de ces problématiques, il n’est pas surprenant que les mandataires aient commencé à se pencher sur le concept « d’investissement à impact ». Ce concept est considéré comme un moyen d’échapper à la fois aux aléas des pratiques ESG et à la responsabilité d’un filtrage négatif incessant. Si les mandataires sont tenus d’assumer cette responsabilité, l’investissement à impact semble, à première vue, constituer un moyen beaucoup plus concret pour que leurs capacités d’investissement aient un impact positif sur la collectivité.

GINN tonic
Mais l’investissement d’impact comporte aussi des difficultés. Le Global Impact Investing Network (GIIN), l’organisation à but non lucratif qui se consacre à développer l’ampleur et l’efficacité de l’investissement d’impact, exige un caractère intentionnel et une mesure de l’impact claires.

Le « caractère intentionnel » signifie que, pour un investissement donné, l’objectif des investisseurs est de générer un impact social ou environnemental. La « mesure » exige des investisseurs qu’ils évaluent et communiquent les performances sociales et environnementales des investissements sous-jacents. On peut seulement supposer que si ces deux critères ne sont pas remplis, la démarche est invalide aux yeux du GIIN mais l’un des attraits de l’investissement à impact social (Social Impact Investment ou SII) est qu’il est actuellement moins précis, moins restrictif et plus philosophique dans son approche.

Cependant, cela pourrait évoluer dans peu de temps. C’est pourquoi la Society of Pension Professionals (organisme représentatif des professionnels des régimes de retraite) a demandé un nouvel ensemble de directives. Son livre blanc de juillet 2019 prescrit la nécessité d’un nouvel ensemble de normes « universellement reconnues » pour la mesure, le reporting et la surveillance afin « d’aider à stimuler la croissance du marché de l’investissement d’impact, évalué à 91 milliards de livres sterling à l’échelle mondiale ». Cet organisme fait valoir que cela permettra de donner à un nombre plus important de fonds l’envergure suffisante et, en fin de compte, d’offrir un plus large choix aux mandataires.

Nécessité sociale
Investissement éthique, investissement responsable, ESG, investissement à impact – et maintenant impact social. Appelez ça comme vous voulez, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que si nous étions mandataires d’un fonds de pension britannique, nous nous demanderions pourquoi le fardeau de la gouvernance lié à quelque chose d’aussi simple a rendu la chose si difficile.

En tant que gérant d’une stratégie d’investissement dans l’immobilier au Royaume-Uni, l’objectif d’investissement d’AEW, une société affiliée de Natixis Investment Managers, consiste à générer une performance absolue indexée sur l’inflation en investissant dans des secteurs immobiliers traditionnels et alternatifs. Cela inclut le financement d’investissements dans les maisons de retraite, les infrastructures de la NHS, les services de soutien à l’autonomie et les maternelles – tous ces secteurs de l’économie où la demande des occupants est motivée par la nécessité sociale.

La stratégie est exposée aux différents secteurs sociaux à hauteur de 40 % environ. Par définition, ces investissements ont forcément un impact social. Cependant, il ne s’agit pas d’un « fonds d’impact social », et il ne prétend pas l’être. Pourtant, AEW a démontré que la stratégie peut avoir un impact social significatif tout en répondant aux objectifs d’investissement fiduciaire.

Les puristes estiment qu’une telle stratégie ne mérite pas d’être considérée comme une forme d’investissement à impact social si elle n’est pas labellisée fonds d’impact social et s’il n’y a pas de démonstration claire de son « caractère intentionnel », ni de reporting d’impact. Ils rechigneraient aussi sans doute en apprenant, comble de l’horreur, que les investissements dans les secteurs sociaux côtoient les investissements dans des biens immobiliers « non éthiques », à savoir les pubs. Cette logique invaliderait toutefois les commentaires des investisseurs qui ont réellement suggéré que nos pubs, si souvent présents au coeur de la communauté, devraient également faire partie de notre allocation d’actifs à impact social – à tout le moins, cela illustre le besoin de liberté pour permettre aux mandataires de rédiger leurs propres définitions de l’endroit et de la manière dont ils cherchent à avoir un impact social.

La proposition d’AEW prévoit simplement que les mandataires puissent choisir d’adopter l’allocation sociale du RRF en partie, en totalité ou même aller au-delà s’ils le souhaitent, dans le cadre de la définition de l’investissement à impact social de leur propre régime. Mais si la pression exercée sur les mandataires enferme ce monde naissant de l’investissement à impact social dans des définitions de plus en plus strictes, le principe de l’offre et de la demande laisse penser que les performances pourraient en pâtir. Cela pourrait engendrer une situation paradoxale où l’intention de « faire le bien » finit par saper le devoir « d’investir dans le meilleur intérêt financier des bénéficiaires ».

Favoriser le changement
Il nous semble que la fascination pour les objectifs SMART nous a incités, comme dit le proverbe, à mettre la charrue avant les boeufs et que nous soyons devenus plus préoccupés par le fait de labelliser que par la volonté de rendre les choses possibles.

L’une des grandes qualités du secteur des services financiers est sa capacité à innover et à développer de nouveaux produits et services pour répondre aux besoins d’un monde en constante évolution. Mais nous constatons avec inquiétude que, ces derniers temps, nous faisons une telle fixation sur le fait de cataloguer les activités que nous sommes incapables d’aller de l’avant.

En effet, nous commençons à nous demander s’il ne serait pas plus simple pour les régimes de retraite de déterminer leurs propres choix en matière d’investissement social, en fonction des causes qui tiennent le plus à coeur à leurs membres, telles que la cause des sans-abris, la pauvreté ou la santé. Cela leur permettrait de faciliter les choses, c’est-àdire de travailler avec les pouvoirs publics, les autorités et les ONG pour mettre en place des programmes plus propices à l’investissement.

Nous considérons que si les déclarations des principes d’investissement (Statement of Investment Principles ou SIP) des régimes de retraite doivent désormais inclure l’investissement à impact (lorsque cela ne compromet pas le devoir des mandataires d’investir au mieux des intérêts financiers des bénéficiaires), les mandataires pourraient accueillir favorablement une telle approche qualitative de « filtrage positif ». En effet, cette dernière peut être appliquée à toutes les classes d’actifs et dans les cas où la sélection des gestionnaires est susceptible d’entraîner un biais en faveur des thèmes liés à l’impact social (mais pas pour compromettre les performances) comme une façon de démontrer la mise en oeuvre d’une politique assortie d’objectifs pouvant être adaptés à tous les régimes. Si cela définit l’impact, est-il vraiment nécessaire d’avoir un débat sans fin pour savoir si c’était l’intention ou la conséquence d’une approche saine et « responsable » de l’investissement ? Après tout, nous savons tous que c’est la poule qui a fait l’oeuf…. ou est-ce l’inverse ? La priorité devrait être le processus qui consiste à faire la différence grâce à l’investissement, et non un produit labellisé qui interprète vaguement un ensemble de règles inutiles.

Si l’investissement à impact social évolue dans le sens du Livre blanc du SPP, nous craignons que ce qui est actuellement une approche philosophique des pratiques saines de l’investissement risque de devenir une décision d’allocation d’actifs – actions, obligations, instruments alternatifs ou investissement à impact social ; s’il évolue en tant que secteur, il doit faire évoluer ses propres caractéristiques de performance et fausser les performances réalisables par un portefeuille qui, autrement, ne serait pas axé sur l’investissement d’impact. Nos collègues de Natixis ont déjà observé ce phénomène avec les produits « verts » qui ont connu une certaine popularité, mais l’idée d’allocations « symboliques » suscite une résistance croissante, car elle implique que le reste du portefeuille doit de facto être « brun ».

Un secteur réglementé par des « normes » finira inévitablement par priver les administrateurs de leur choix – il pourrait être plus facile pour un régime de retraite d’entreprise de façonner ses propres choix positifs en matière d’investissement social que d’écarter le risque éthique. Mais selon la façon dont les groupements de régimes de retraite des collectivités locales choisissent de proposer ou de prescrire une allocation à un investissement à impact social à leurs membres, les initiatives des autorités locales cherchant à lancer des initiatives d’investissement axées sur la communauté avec un financement des retraites (similaires à celles du Lancashire CC et du South Yorkshire) pourraient s’avérer non conformes à la définition de l’investissement à impact social.

Le livre blanc de la Society of Pension Professionals offre néanmoins une lueur d’espoir. En effet, même si le cadre SMART est en place, il préconise que l’adhésion des consultants en investissement est essentielle. Je ne désapprouve pas, mais il est temps que les conseillers suggèrent, comme nous avons essayé de le faire ici, que l’accent soit mis sur la facilitation plutôt que sur la labellisation et que, pour une fois, le principe KISS2 représente une solution bien meilleure et plus simple.
1 Specific (Spécifique). Measurable (Mesurable). Achievable (Réalisable). Relevant (Pertinent). Time-bound (Assorti d’une contrainte de temps).

2 Keep It Simple, Stupid (ne complique pas les choses, idiot).

Publié en mai 2020

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