Un article du projet de loi Sapin II vise à la création d’un Fonds de Retraite Professionnelle Supplémentaire (FRPS) disposant d’un régime prudentiel spécifique. Ce nouveau cadre pour une retraite par capitalisation est une bonne nouvelle, mais ses conséquences à court terme apparaissent cependant limitées.

Points clés

  • L’objectif de ce projet de loi : une allocation d’actifs de la retraite supplémentaire mieux alignée avec les intérêts des épargnants
  • 130 milliards d’euros d’encours pourraient passer sous le nouveau format prévu par la loi Sapin II
  • Les FRPS bénéficieraient d’un régime d’exception à Solvabilité II, ce qui ne changera pas fondamentalement les choses pour les assureurs
Les fonds de pension restent un sujet sulfureux en France, pays attaché au système de retraite par répartition. Ils font même figure d’arlésienne : Il y a près de 20 ans, une loi présentée par le député Jean-Pierre Thomas avait même été votée, avant d’être victime des élections anticipées provoquées par la dissolution de l’assemblée voulue par le président Chirac en 1997.

Un cadre juridique nouveau pour l’épargne retraite supplémentaire

Fin 2015, c’est Emmanuel Macron qui a remis le sujet sur la table, mais c’est finalement au travers du projet de loi Sapin II qu’il va faire son retour. L’article 33 du projet de loi prévoit, entre autre choses, la création de fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS), qui seront placés sous un régime prudentiel spécifique, autrement dit qui échapperont à Solvabilité II, hormis pour les aspects de reporting et de gouvernance. L’idée est de faire migrer d’ici 2019 vers cette nouvelle enveloppe plusieurs dispositifs existants, pour l’instant assujettis au cadre réglementaire assurantiel entré en vigueur au 1er janvier dernier : régime à prestations définies dit « article 39 » utilisé pour les retraites chapeau des dirigeants, articles 82/83 (régimes à cotisations définies ouverts aux salariés) et contrats Madelin pour les travailleurs indépendants. Le premier objectif du gouvernement, en créant les FRPS, est de résoudre la problématique de distorsion de concurrence qui existait entre ces dispositifs de type assurantiel et les fonds de pension présents dans d’autres pays européens, soumis, eux, à la directive sur les institutions de retraite professionnelle (IORP).

Favoriser une épargne de long terme en ligne avec les enjeux de la retraite

La deuxième ambition est d’améliorer le rendement de ces dispositifs. Les sortir du cadre de Solvabilité II permettrait de répondre à cette double ambition en libérant la gestion d’un carcan où tout investissement en dehors des obligations souveraines, dont le rendement tourne aujourd’hui autour du zéro, est aujourd’hui pénalisé par une exigence de capital. En échappant à S II pour retrouver le cadre réglementaire précédent, les articles 83 et consorts retrouveraient une marge de liberté pour investir dans des actifs longs, comme les actions cotées ou le private equity, plus en adéquation avec l’enveloppe. Cela conduit à la troisième motivation du gouvernement : faire en sorte que les dispositifs de retraite supplémentaire soient une source de financement de l’économie française et lutter ainsi contre le fameux syndrome national du « capitalisme sans capital ». Pour rappel, en investissant près de la moitié de leurs actifs en action, les fonds de pension américains sont bel et bien un élément important du financement de l’économie. On retrouve dans cette troisième ambition une évidente continuité avec la loi Macron et notamment les nouvelles dispositions qu’elle a introduites dans les PERCO : gestion pilotée instaurée comme le choix par défaut et forfait social abaissé à 16% sur les versements dans des fonds investis au moins à 7% en titres éligibles au PEA PME.

Une exception à Solvabilité II, mais des conséquences limitées pour les assureurs

On ne peut que se réjouir de la création des FRPS, même si les contours du futur dispositif restent flous. La loi devrait être présentée au vote d’ici la fin de l’année. A ce stade, le problème de la gouvernance n’est pas encore abordé par le texte. Sera-t-elle comparable à celle des fonds de pension, avec un « board of trustees » où siègent des représentants des salariés et, avec une voix minoritaire, le « sponsor » du fonds, c’est-à-dire l’entreprise ? En tout état de cause, il ne s’agit que d’un premier pas, en vérité assez modeste, vers de véritables fonds de pension à la française. Le périmètre concerné représente en effet des encours de l’ordre de 130 milliards d’euros : un montant équivalent aux encours de l’épargne salariale mais presque une goutte d’eau face aux 1.600 milliards d’euros que représente l’assurance-vie. Pour les assureurs, les FRPS ne représentent donc potentiellement qu’un transfert d’actifs assez modeste et ne vont que très légèrement desserrer l’étau de Solvabilité II. Surtout, il reste à démontrer que la création de cette nouvelle enveloppe va réellement conduire à une hausse significative de l’allocation actions au sein des dispositifs de retraite concernés. La politique de taux zéro de la banque centrale a tué l’amortisseur que constituaient les obligations sans risques en cas de choc sur les actions. C’est peut-être à l’intérieur de la poche obligataire qu’il faut attendre le plus de changement, en direction d’actifs non liquides mais peu volatils comme la dette privée infrastructures ou immobilière.

Il serait donc exagéré de dire que les fonds de pensions arrivent sur le devant de la scène en France. Ils entreraient plutôt par la petite porte, si l’on compare le dispositif prévu aux 3.200 milliards de dollars d’encours des fonds de pension britanniques ou bien sûr aux encours de près de 22.000 milliards de dollars aux Etats-Unis. Pourtant, les enjeux sur la retraite sont plus prégnants que jamais et passent par la nécessité de faire passer les Français du statut d’investisseurs à celui d’épargnants de long terme. Comme l’avait montré en 2014 une enquête de Natixis Global Asset Management, 70% des épargnants français considèrent la retraite comme un enjeu prioritaire, mais y répondent le plus fréquemment par des placements sécurisés sur des comptes à terme ou livrets. Une contradiction qui reste d’actualité et à laquelle les Fonds de retraite professionnelle supplémentaire ne répondent que très partiellement.

 


Publié en juillet 2016

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