Longtemps décriée, cette classe d’actifs revient en pleine lumière avec le programme d’achats de la BCE.

La Banque Centrale Européenne a annoncé en septembre 2014 la mise en place d’un programme d’achat d’ABS (Asset Backed Securities) afin de redynamiser ce marché et de donner aux banques, aux prises avec de fortes contraintes réglementaires sur leur bilan, un moyen de financement moins onéreux. In fine, son objectif est de créer une courroie de transmission supplémentaire de sa politique monétaire vers l’économie réelle, notamment en Espagne et en Italie, où les taux de crédit aux entreprises et aux ménages restent élevés. La démarche de la BCE a suscité des interrogations: certains observateurs s’inquiètent de la qualité des actifs qui seront acquis par la banque centrale (« Les banques ne vont-elles pas en profiter pour se délester de leurs créances de mauvaises qualités ? »), tandis que d’autres craignent, à l’inverse, qu’elle achète, à hauteur de plusieurs centaines de milliards d’euros, tous les actifs de bonne qualité (« Ne va-t-elle pas assécher le marché ? »). Mais Mario Draghi a su répondre précisément à ces questions : la BCE ne retiendra que les tranches seniors de titrisation, les mieux notées, et elle s’interdira d’acheter plus de 70 % de l’encours de chaque ABS. Elle est en effet dans une logique de co-investissement et souhaite voir de nouveaux investisseurs revenir également sur cette classe d’actif.

Des taux de défaut extrêmement faibles en Europe

Plus de sept ans après l’éclatement de la crise financière, et en particulier les premiers soubresauts sur les « subprimes », un constat s’impose : le marché européen des ABS n’a enregistré quasiment aucun défaut depuis cette date. C’est d’ailleurs l’un des enseignements de deux études récentes des agences Fitch Ratings et Standard & Poor’s1. Moins de 1,6 % des titrisations européennes en cours mi-2007 avaient fait défaut mi-2014, relève ainsi S&P. Et ces défauts restent concentrés sur quelques classes d’actifs, notamment les produits structurés avec des effets de levier importants, et sur les tranches les plus juniors de ces structures. Malgré des taux de défauts contrastés selon les zones géographiques et les sous-jacents, les régulateurs et certains investisseurs continuent d’aborder de façon homogène l’ensemble des produits de crédit structuré (SIV, CDO, CLO, RMBS, CMBS…), alors qu’ils présentent des caractéristiques et typologies de risque très différentes les uns des autres. Les ABS européens, dont les actifs sous-jacents sont essentiellement des emprunts immobiliers, des crédits à la consommation, des crédits automobiles ou issus de cartes de crédit, sont très granulaires. Ils reposent sur une multitude de créances qui offre une grande répartition des risques. En pratique, ces titrisations naturellement très diversifiées n’ont connu aucune perte sur les tranches seniors au cours de ces dernières années.

Un marché en mutation

Le marché européen de la titrisation a connu un point bas en termes d’émissions en 2013, à 156 milliards d’euros (contre 646 milliards en 2006, le plus haut historique). Aujourd’hui, la base d’investisseurs est naturellement plus réduite, mais elle se compose d’intervenants comme les hedge funds et les fonds obligataires, plus stables et qui maîtrisent bien les mécanismes propres à ces instruments. Ce changement de typologie d’investisseurs a eu la vertu d’assainir le marché de la titrisation, qui ne connait plus de problèmes de liquidité. Une banque allemande a ainsi récemment liquidé un portefeuille d’actifs de titrisation datant de 2007 pour un montant de 8,5 milliards d’euros, dont 3 milliards de titres européens, sans impact sur le marché.

L’analyse crédit interne, nerf de la guerre

Les événements des années 2007-2008 ont confirmé l’importance de l’analyse crédit des investissements potentiels. Les investisseurs se fixent généralement des contraintes en termes de notation de crédit pour définir leurs univers d’investissement. Cependant, même si le travail d’analyse des agences de notation apporte certaines informations importantes, se faire ses propres opinions reste une nécessité pour une société de gestion.

L’investissement en ABS nécessite non seulement une bonne connaissance des véhicules d’émissions et de la structuration de ces opérations mais également une étude approfondie du type et de la qualité des créances cédées. Ainsi, afin d’anticiper le risque de défauts sur un portefeuille de prêts, l’équipe de gestion doit bien appréhender la politique d’octroi de crédits de l’établissement financier cédant et avoir une connaissance fine de son historique de défaut, au travers des prêts présents dans son bilan. Le gérant doit également étudier les caractéristiques d’un ABS non seulement à son lancement, mais aussi tout au long de sa vie. Pour ce faire, il prend en compte les rapports de performance publiés par les émetteurs au fil de l’eau et notamment à l’occasion des paiements d’intérêts. Il est ainsi possible d’évaluer la dynamique du comportement des prêts, à travers leurs remboursements et les éventuels retards de paiement, voire les défauts. Une pratique de diffusion d’informations plus fréquente encore (sur une base mensuelle) a d’ailleurs été imposée par la BCE aux originateurs des produits de titrisation qui lui sont apportés en collatéral par le biais d’une base de données centralisée (European DataWarehouse).

Une réouverture du marché des ABS à plusieurs vitesses

Même si les volumes d’émissions globaux d’ABS sont restés élevés pendant la crise, la plupart des banques ont surtout procédé à des émissions techniques « retenues », en conservant les ABS afin de pouvoir les utiliser comme collatéral pour les opérations de financement de la BCE ou pour des transactions interbancaires. La vente d’ABS aux investisseurs et la reprise d’un marché primaire actif n’ont réellement recommencé qu’en 2010 avec des titrisations de prêts automobiles allemands ou de prêts immobiliers hypothécaires hollandais.

Ces nouvelles émissions étaient généralement proposées par des originateurs connus et récurrents et n’offraient aux investisseurs que les tranches les plus senior. Si ces portefeuilles granulaires permettent une modélisation et une analyse des risques plus simple, le marché devrait naturellement évoluer en incluant également des portefeuilles plus concentrés. Des opérations de CMBS (prêts immobiliers commerciaux) ont ainsi été émises en 2014.


1 Fitch Ratings : Global Structured Finance Losses : 2000-2013 Issuance (27 mai 2014) - Standard & Poor’s : « Seven years on, the cumulative default rate for european structured finance is only 1,6% » (26 août 2014).

Publié en avril 2015

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