Le régime collectif à cotisations définies est dans l’ADN des néerlandais. Peut-il être exporté au Royaume-Uni ?

Points clés:

  • Le dispositif CDC (« Collective Defined Contribution », ou régime collectif à cotisations définies), une forme de plan de retraite au croisement des régimes « à prestations définies » et « à cotisations définies », s’est imposé aux Pays-Bas depuis le début des années 2000. Natixis Investment Managers a organisé une table-ronde à Amsterdam regroupant les meilleurs experts du système CDC du Royaume-Uni et des Pays-Bas pour discuter de ce dispositif.
  • Au Royaume-Uni, la liberté de choix offerte aux épargnants a été très appréciée et a permis aux fournisseurs de régimes de retraite d’innover. Certains craignent toutefois que les objectifs du système CDC soient difficilement compatibles avec l’approche britannique.
  • Les entreprises britanniques ayant opté pour l’approche CDC devront « repartir de zéro ». Elles devront déterminer les niveaux de cotisation et d’indexation des prestations, tout en gardant à l’esprit que si les marchés baissent et que les actifs ne couvrent plus les passifs, le montant des prestations versées devra diminuer.
  • De leur côté, les promoteurs de régimes de retraite utilisant le CDC pourront investir dans des stratégies alternatives illiquides, qui sont sources de diversification dans tout le portefeuille et permettent aux gérants de compléter la performance globale via une prime de risque supplémentaire.
Le 19 juin 2018, des experts britanniques et néerlandais des régimes de retraite et des investissements se sont réunis à Amsterdam pour une table-ronde dédiée aux régimes collectifs à cotisations définies (Collective Defined Contribution - CDC) et à l’avenir du système de retraite au Royaume-Uni.

Organisée par l’équipe Institutionnelle de Natixis Investment Managers au Royaume-Uni, cette table-ronde avait vocation à évaluer le potentiel du dispositif CDC outre-Manche en s’appuyant sur l’expérience des Pays-Bas qui ont mis fin aux régimes à prestations définies avant d’instaurer le régime CDC.

Le panel des participants était composé de professionnels néerlandais et britanniques travaillant pour des cabinets de conseil, des cabinets d’avocats, des organisations professionnelles, des master trusts et de très grands régimes de retraite.

Le système néerlandais

Le régime de retraite collectif à cotisations définies (CDC) s’est imposé aux Pays-Bas dès le début des année 2000 et fait désormais partie de l’ADN des néerlandais. Certains dispositifs CDC ont été créés à partir de zéro alors que d’autres se sont transformés en véhicules d’épargne-retraite CDC en y ajoutant la prise en charge de droits de succession ou des accords spéciaux avec des promoteurs de régimes de retraite.

Le succès relatif du système néerlandais a reposé sur sa capacité à encourager la confiance des acteurs du secteur des retraites. Alwin Oerlemans, Head of Pension Strategy pour la société de gestion APG, a déclaré : “ [Aux Pays-Bas], les régimes de retraite sont très transparents en matière de coûts et ils publient toutes les données utilisées pour établir les classements relayés par la presse. Ces fonds de pension doivent se justifier si les coûts supportés par leurs fonds sont plus élevés que ceux de la concurrence.”

“En 2002, l’autorité de réglementation néerlandaise a demandé aux fonds de pension de communiquer de manière claire sur les modalités d’indexation, une obligation que certains fonds avaient oubliée alors qu’elle fait partie de leur mission”.

En vertu des règles imposées aux régimes CDC aux Pays-Bas, les droits à la retraite sont un objectif et non une promesse. Autrement dit, si le niveau de financement diminue, les promoteurs des régimes peuvent réduire les niveaux d’indexation, ce qui fait baisser mécaniquement les prestations versées.

« En 2008, les promoteurs se sont rendu compte qu’ils avaient oublié de communiquer de manière transparente sur leur obligation d’atténuer les risques, ce qui peut inclure la diminution des prestations de retraite versées”, poursuit Alwin Oerlemans. « Seuls quelques fonds affichaient des situations financières telles qu’ils ont dû réduire leurs prestations, et la réduction moyenne a été d’environ 1 à 2 %.

“Toutefois, ces deux facteurs - l’incapacité des régimes à expliciter les modalités du dispositif d’indexation et le risque de baisse des retraites - ont sapé la confiance dans le système de retraite”.

A l’image de nombreux pays, les Pays-Bas sont également confrontés au vieillissement de la population. L’âge obligatoire pour toucher une retraite complète est aujourd’hui de 68 ans. Autre tendance de fond, l’augmentation du nombre de travailleurs indépendants.

Jobert Koomans, Fondateur de SBZ Pensioen, le fournisseur de régimes de retraite du secteur de l’assurance santé aux Pays-Bas, a déclaré : “On observe désormais une nouvelle génération de travailleurs indépendants qui peuvent faire leurs propres choix mais qui n’investissent pas dans l’avenir, parce qu’ils n’ont pas l’argent nécessaire ou qu’ils ne voient pas l’intérêt”.

Le système CDC au Royaume-Uni

Le système CDC a commencé à faire parler de lui au Royaume-Uni en 2013. Steve Webb, ancien ministre des retraites, avait proposé un texte de loi ouvrant la voie aux régimes CDC au Royaume-Uni, mais ce projet avait été abandonné après son départ du gouvernement. Puis, début 2018, Royal Mail a conclu un accord avec le syndicat des employés du secteur de la communication pour substituer un dispositif CDC au régime à prestations définies existant, qui a été supprimé à la fin mars 2018.

Pour de nombreux professionnels des retraites et de l’investissement, le système CDC propose un juste milieu entre les régimes à prestations définies, impossibles à financer sur le long terme pour la majorité des employeurs, et les régimes à cotisations définies. Selon la théorie, les régimes à cotisations définies font peser un fardeau trop lourd sur les individus et, en fonction des niveaux des cotisations, peuvent ne pas offrir une retraite confortable aux épargnants.

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En outre, si la plupart des régimes à cotisations définies utilisent des stratégies d’accumulation judicieuses, le processus de “ décumulation “ reste un problème insolvable. Les régimes CDC offrent une méthode collective pour partager le risque que des individus “survivent ” à leur propre épargne -retraite. Notre sondage (cf. graphique) montre que la réponse est loin d’être binaire compte tenu des différences importantes entre les deux systèmes. La kyrielle de dispositifs de prestations dans le système britannique pourrait notamment être difficile à mettre en oeuvre au niveau de tous les employeurs. En règle générale, aux Pays-Bas, c’est le gouvernement qui détermine la structure des cotisations et le taux de la revalorisation pour la retraite.

Kevin Wesbroom, Associé senior chez Aon, a déclaré : « Au Royaume-Uni, aucun acteur du marché des retraites ne possède les moyens nécessaires pour vous proposer un portefeuille d’investissement offrant à la fois sécurité, croissance, flexibilité et une solution miracle en cas d’allongement de l’espérance de vie ». Un système de pension collective peut-il être intégré dans une solution de retraite ? Nous essayons de façonner la législation britannique pour qu’elle tienne compte de ces problématiques ».

Liberté de choix

En 2014, le gouvernement britannique a instauré le concept de “ liberté de choix “, qui permet aux retraités de toucher leur argent selon la méthode de leur choix à partir de l’âge de 55 ans, et non plus seulement via un système de rente. Cette “liberté de choix” a donné de nombreuses opportunités d’innovation aux promoteurs de régimes qui développent déjà des produits de “décumulation”, mais il sera difficile pour le secteur dans son ensemble de répondre aux besoins variés de la population en matière de retraite.

Tim Phillips, Head of Pension Markets pour le régime de retraite "mastertrust" à cotisations définies Smart Pension, a déclaré : « De nombreuses personnes n’ont pas besoin d’un revenu fixe pendant leur retraite. Pour certaines, la courbe des dépenses a la forme d’un U : au début par exemple ils souhaitent voyager, puis leurs besoins de revenus diminuent au milieu de la retraite, avant de repartir à la hausse en raison de dépenses plus onéreuses comme les soins de santé. »

L’absence de choix est probablement le meilleur avantage qu’offrent les régimes CDC. Aujourd’hui, sur le marché de la retraite, la pièce manquante du puzzle, c’est le conseil. C’est à ce moment que le système CDC intervient car l’individu, seul, ne peut rien faire.

Les épargnants disposant d’un capital inférieur à 50 000 GBP sont davantage susceptibles de profiter de leur argent sous forme de liquidités, alors que ceux disposant de plus 500 000 GBP ont tendance à faire appel à un conseiller en gestion de patrimoine.

Toutefois, les personnes de la catégorie intermédiaire (entre 50 000 GBP et 500 000 GBP) ne veulent pas faire de choix tranché pour leur retraite et souhaitent simplement toucher un revenu tout au long de leur vie. Les régimes CDC peuvent répondre à ce type de besoin.

Pourtant, la liberté et le choix offerts par ces régimes ne convainquent pas tout le monde. Steve Towers, Head of Strategy Solutions pour un régime de retraite universitaire (Universities Superannuation Scheme - USS), explique : « On perd ici l’un des principaux avantages si l’on ajoute la liberté et le choix aux régimes CDC : la simplicité et la prévisibilité ».

Jeremy Goodwin, associé et Head of Pension pour le cabinet d’avocat international Eversheds Sutherland, ajoute : “ Pour concevoir des régimes CDC, il faut tenir compte des personnes qui souhaiteront sortir leur argent sous forme de liquidités “.

Le système CDC suscite-t-il un quelconque intérêt ?

Au Royaume-Uni, on s’interroge sur la volonté collective d’importer les régimes CDC. Quelle que soit la forme des régimes CDC que les entreprises britanniques introduiront, ils seront très probablement différents des régimes CDC utilisés dans les autres pays.

Imran Razvi, Public Policy Adviser pour la Investment Association, l’organisme professionnel qui représente les sociétés de gestion britanniques, précise : “A part les plans à cotisations définies, aucun régime ne semble susciter un intérêt quelconque. Le marché des master trusts a enregistré une croissance solide et les régimes reposant sur des contrats ne sont pas en reste. Ces tendances devraient se poursuivre, en particulier dans les petites entreprises.

« [Le dispositif CDC] concerne surtout des régimes de retraite de très grande ampleur qui seront les premiers à pouvoir s’adapter. Comme toujours, les adhérents potentiels attendront les décisions de ces promoteurs avant de prendre la leur.”

Kevin Wesbroom fait remarquer la chose suivante : “Au Royaume-Uni, il n’y a pas de volonté réglementaire de modifier la structure existante des prestations. S’il est adopté au Royaume- Uni, le régime CDC ne couvrira que les prestations futures. Il n’y aura aucune conversion des droits à la retraite déjà acquis. Ce qui différencie nettement le système britannique de ses homologues néerlandais et canadiens, où les régimes CDC sont une déclinaison des régimes existants”.

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Les entreprises britanniques optant pour l’approche CDC devront “repartir de zéro”. Elles devront déterminer les niveaux initiaux de cotisations et d’indexation des prestations tout en gardant à l’esprit que si les marchés baissent et que les actifs ne couvrent plus les passifs, le montant des prestations versées devra diminuer.

Injustice intergénérationnelle ?

Les membres d’un régime CDC font face au risque d’injustice intergénérationnelle : la première cohorte des membres bénéficiant d’une retraite sont en effet susceptibles de recevoir une prestation plus ou moins élevée que les générations suivantes.

Aux Pays-Bas, les régimes CDC ont été largement critiqués car certains ont dû réduire leurs prestations ces dernières années, et la banque centrale néerlandaise a même envisagé de les supprimer et de les remplacer par des régimes individuels à cotisations définies. En revanche, le Royaume-Uni a connu une véritable inflexion intergénérationnelle en matière de retraite : les générations plus âgées bénéficient de régimes à prestations définies alors que les jeunes générations se sont vus accorder des plans à cotisations définies moins généreux.

Il convient donc d’établir une définition claire de la notion d’équité. Kevin Wesbroom suggère de remettre à plat cette notion : “Veut-on être plus généreux avec les retraités qu’avec les jeunes actifs ? Si l’on veut traiter tout le monde de la même manière, il faut l’écrire dans les règles. Sinon, ils vous demanderont des comptes sur vos décisions”.

Toutefois, comme le montre Steve Towers, il existera toujours une impression d’injustice : “Au Royaume- Uni, de nombreux aspects de la vie sont régis par des systèmes intergénérationnels. Par exemple, la jeune génération subventionne le système de santé (NHS), qui joue un rôle clé au sein de notre État-providence. Pourquoi le régime CDC serait-il différent ?”

Approche d’investissement

Critics of UK DC argue that a Les détracteurs des régimes britanniques à cotisations définies estiment que l’instauration d’une liquidité quotidienne s’est traduite par une prolifération de modèles d’investissement moins sophistiqués, susceptibles de pénaliser les épargnants. En revanche, grâce à leur capacité d’investir dans des classes d’actifs illiquides sur le long terme, les régimes à prestations définies pouvaient mettre en place des stratégies d’investissement beaucoup plus sophistiquées, souvent en faveur des épargnants.

Les défenseurs des régimes CDC estiment pour leur part que l’horizon à long terme de ces structures permet d’investir dans une gamme d’actifs plus diversifiée et de créer des stratégies d’investissement similaires à celles des régimes à prestations définies.

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Les classes d’actifs alternatives qui ne correspondent pas à l’approche d’investissement des régimes britanniques à cotisations définies (comme les hedge funds et l’immobilier) sont capables de créer de la valeur sur le long terme (nette de frais).

Les régimes de retraite sont des investisseurs qui ont un rôle à jouer sur tous les marchés. Les régimes à cotisations définies n’exploitent pas pleinement cette capacité. Si nous restons dans un dispositif centré uniquement sur des régimes à cotisations définies, alors rien ne changera. Si l’ampleur de ces régimes finit par augmenter, la situation pourrait évoluer. L’introduction des régimes CDC pourrait néanmoins entraîner un changement d’attitude.”

Utiliser une stratégie moins risquée dans un régime CDC comporte des avantages, comme l’explique Kevin Wesbroom : “En choisissant des actifs moins dynamiques et moins volatils, vous avez moins de chances d’engendrer une diminution de 5 % ou plus des retraites. Il faut toutefois trouver un compromis car une approche moins agressive sera moins susceptible d’atteindre les objectifs d’investissement fixés. “

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Les coûts et les frais ont été un sujet essentiel pour le gouvernement britannique lors de la mise en place du système d’adhésion automatique (autoenrolment), et un plafonnement des frais a été introduit en 2014. Le groupe d’experts s’est interrogé sur la manière de faire cohabiter le plafond des frais et le régime CDC au Royaume-Uni.

Il n’existe aucun plafond aux Pays-Bas. Toutefois, compte tenu de la pression des marchés, de la surveillance du grand public et des économies d’échelle, les frais restent faibles. Alwin Oerlemans a quant à lui déclaré : “Pour les portefeuilles diversifiés, nos tarifs sont nettement plus faibles que les frais plafonnés au Royaume-Uni. Ceux des plus grands fonds sont largement inférieurs”.

Le rôle central de la communication

Depuis leur lancement, les régimes individuels à cotisations définies peinent à instaurer un dialogue avec leurs membres. Le problème vient notamment de l’absence de conseils au profit de ceux qui n’ont pas les moyens nécessaires pour bénéficier de ce type de service, mais qui en ont souvent le plus besoin. La communication en faveur du plus grand nombre n’ayant pas été améliorée, le problème reste en suspens. Dans un article récent, il est expliqué que les analyses des cohortes permettent d’obtenir des informations plus précises sur les membres et de déterminer des taux de défaut et des objectifs de risque appropriés. La solution à ce problème est donc d’établir une communication plus claire et les régimes CDC peuvent y contribuer. Naturellement, la communication devra être différente, probablement moins complexe, et plus similaire à celle des régimes à prestations définies.

Tous les participants estiment que le régime CDC présente un vrai défi sur le plan de la communication. Jim Doran, UK Governance Leader, Département DC & Financial Wellness chez Mercer, estime quant à lui : “D’une part, nous devrons prévenir les adhérents aux régimes que leurs prestations sont susceptibles de diminuer dans certaines circonstances. D’autre part, nous devons nous assurer que les régimes CDC ne sont pas considérés comme un système qui réduit mécaniquement les prestations”.

Et Jeremy Goodwin d’ajouter : “D’un point de vue juridique, l’une des priorités est de s’assurer que le régime CDC ne soit pas vu comme un système garanti. Si les membres des régimes ne comprennent pas cet aspect, la presse pourrait s’en faire l’écho et les pouvoirs publics se sentir obligés d’intervenir. Assurer une communication transparente est essentiel pour de nombreuses raisons, mais surtout pour que ce point soit “gravé dans le marbre”. Cet aspect doit devenir une priorité dans toutes nos relations avec les adhérents des plans de retraite”.
Publié en Octobre 2018

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