Points clés

  • Les assureurs doivent distinguer deux grands types d’infrastructures : les infrastructures « value-added » dont la performance découle de l’appréciation du capital et les infrastructures « core » qui génèrent des flux de revenus stables et réguliers.
  • Les infrastructures « core » assurent des rendements qui dépassent généralement ceux des titres obligataires traditionnels. Elles sont décorrélées des classes d’actifs traditionnelles, offrent également un potentiel important de réduction des risques liés au changement climatique et facilitent la maîtrise des stratégies de développement durable.
  • Les cadres réglementaires et comptables renforcent encore davantage les arguments en faveur d’une allocation aux infrastructures « core » qui, contrairement aux actifs d’infrastructure de type capital-investissement, bénéficient avec Solvabilité II d’un régime plus favorable.
Les raisons pour lesquelles les infrastructures sont prisées dans les portefeuilles d’assurance sont nombreuses. La plus convaincante réside peut-être dans la prévisibilité des flux de trésorerie dont la probabilité de baisse significative est faible. Ensuite, la corrélation entre les infrastructures et les classes d’actifs traditionnelles est faible. Celles-ci bénéficient en outre d’un traitement favorable en termes de réglementation et de normes comptables. Enfin, les infrastructures offrent aux assureurs la possibilité de relever le défi à venir des tests de résistance au changement climatique.

Les infrastructures couvrent une grande variété d’investissements dont une partie seulement répond aux exigences spécifiques des groupes d’assurance. Il s’agit là des infrastructures « core », qui aident les assureurs à générer des revenus, à réduire la probabilité de perte et à limiter les frictions réglementaires.

Infrastructures « core » vs « value-added »
Les infrastructures peuvent être envisagées comme une classe d’actifs unique et homogène, toutefois, une telle conception ne tient pas compte de la grande diversité des actifs et des profils de risque/rendement auxquels on peut s’exposer par le biais de cette classe d’actifs.

Tout investisseur en infrastructures doit faire la distinction entre deux grandes catégories. Les infrastructures « core » représentent l’extrémité stable et fiable de l’éventail. Ce terme générique englobe les actifs dont la principale caractéristique est de générer des revenus. Parmi ces actifs figurent les projets d’infrastructure classiques tels que les routes à péage, les ponts et les hôpitaux. Mais la liste des infrastructures « core » s’allonge rapidement. Pour Estelle Castres, Responsable Monde - Grands comptes assurances chez Natixis Investment Managers : « les infrastructures core incluent désormais les projets liés à la technologie, comme les pylônes de téléphonie mobile, le stockage de données sur les cloud et même de nouveaux types de systèmes de chauffage pour les bâtiments commerciaux et résidentiels ».

Ce que ces actifs ont en commun est qu’ils s’inscrivent généralement dans le très long terme et que les investisseurs les conservent pendant de nombreuses années, voire des décennies. Selon Estelle Castres toujours, « leurs performances découlent, pour l’essentiel, de la génération de flux de trésorerie stables et réguliers, plutôt que de l’appréciation du capital ». Ces flux de trésorerie réguliers constituent une protection contre les éventuelles diminutions de valeur des actifs durant les phases de ralentissement économique. Une stratégie axée sur les infrastructures « core » est donc compatible avec les stratégies de revenus à long terme de type gestion actif-passif (GAP).

Les infrastructures « core » se distinguent des infrastructures « value-added », dont les performances reposent en partie sur l’appréciation du capital réalisée lors de la cession de l’actif. Les infrastructures « value-added » exigent une participation plus forte des actionnaires dans la gouvernance des projets et peuvent s’assimiler à du capital-investissement en termes de profil risque/rendement et de mode de gestion.

La période de détention des infrastructures « core » peut être de 20 à 25 ans, voire plus. En comparaison, les projets « value-added » ont habituellement un cycle de vie d’environ dix ans et doivent être cédés pour que leur valeur se réalise pleinement.

La duration ultra-longue des actifs « core » rend ceux-ci particulièrement attractifs pour les assureurs dont le passif peut s’étaler sur plusieurs décennies et pour lesquels il est difficile de trouver des actifs correspondants.

Les atouts du « core »
Quel est donc l’intérêt des infrastructures « core » pour un portefeuille d’assurance typique ?

D’abord et avant tout, ils assurent des rendements qui dépassent généralement ceux des titres obligataires traditionnels.

Deuxièmement, ils sont fortement décorrélés des classes d’actifs traditionnelles telles que les actions et les obligations, offrant ainsi une diversification durant les périodes de forte volatilité des marchés.

Infrastructures vs classes d’actifs traditionnelles1
  Infra Eur
Pooled Ret
MSCI Daily Net
TR Europe
JPM GBI EMU
in Euro
Corporates
Europe Euro
Annual Return 7.7% 3.8% 4.6% 4.0%
Annual Volatility 6.8% 17.6% 4.5% 4.6%
Return / Volatility 0.73 0.22 1.01 0.88
Desmoothed Volatility 10.6%
Correlation (Infra ; Liq) 0.58 -0.48 0.07
Sources : Cambridge Associates, MSCI Bloomberg, Natixis IM Solutions, du 30/09/2006 au 30/06/2020.

Troisièmement, le risque climatique est une préoccupation particulière importante pour les assureurs, dont les horizons temporels sont par nature plus longs que ceux de la plupart des autres types d’investisseurs. Or, dans un contexte où le développement durable devient une considération essentielle dans la formation d’actifs corporels, les infrastructures offrent la possibilité de réduire les risques liés au changement climatique et de faciliter la maîtrise des stratégies de développement durable.

Le changement climatique représente un défi en termes d’investissements, non seulement en raison des risques physiques attendus, mais aussi des mesures réglementaires prises pour les atténuer - les risques de transition. L’UE, l’ONU, le G7, l’OICV et l’OCDE intègrent tous des directives ESG dans leur planification stratégique à long terme. En Europe, l’AEAPP a récemment mené des consultations sur la supervision du recours à des scénarios de changement climatique dans le cadre des évaluations internes des risques et de la solvabilité (ORSA) et les assureurs européens seront probablement confrontés à des tests de résistance au changement climatique en 2021, selon une démarche inaugurée au Royaume-Uni au second semestre 2019 et renouvelée l’année suivante. En France, l’autorité de régulation, l’ACPR, a lancé son exercice pilote climatique pour les banques et les assureurs durant l’été 2020. Les équipes de gestion des compagnies d’assurance ne peuvent donc plus se contenter d’une simple démarche de risque/rendement économique. Ils doivent positionner leurs portefeuilles de manière à prendre en compte les enjeux ESG et s’efforcer d’avoir un impact positif sur l’environnement tout en s’assurant que les risques climatiques (physiques et de transition) ne menacent pas leur bilan.

Adapter un portefeuille pour qu’il réponde aux objectifs en matière de changement climatique n’est pas chose aisée. En revanche, une telle démarche comporte des avantages qui vont au-delà de la réduction des risques d’investissement et de réglementation, dans un contexte où, pour l’heure, les régulateurs interviennent par le biais de tests de résistance climatique, d’obligations de transparence renforcées avec le TCFD et d’allègement de la charge en capital pour les projets « verts ». En effet, en contribuant au financement de l’économie réelle, par la formation d’actifs corporels, les assureurs peuvent améliorer leur réputation et promouvoir leurs marques.

Respect des règlementations
L’impact des normes réglementaires et comptables renforce encore davantage les arguments en faveur d’une allocation aux infrastructures « core ».

Dans le cadre de Solvabilité II, entré en vigueur en Europe en 2016, la charge en capital liée à la détention de certains types d’actifs peut être terriblement élevée pour les assureurs. « Pour ce qui est des investissements en infrastructures, le régulateur a pris un certain nombre de mesures, directement liées à la classe d’actifs, pour les réduire. Ceci est particulièrement vrai pour les investissements dans les actifs d’infrastructure non notés admissibles. L’horizon de détention pourrait également être pertinent pour les investissements en actions », explique Oliver Trecco, gérant de portefeuille chez Natixis Investment Managers Solutions.

Mesures incitatives liées à l’horizon de détention
Dans cette dernière catégorie, le mécanisme d’ajustement égalisateur (Matching Adjustment) dans le cadre de Solvabilité II permet aux assureurs de mieux gérer la charge en capital des actifs de longue durée. « Le mécanisme d’ajustement égalisateur permet aux assureurs d’augmenter le taux d’actualisation utilisé pour calculer la meilleure estimation d’un portefeuille d’engagements, mais aussi de réduire le risque de spread, en contrepartie de la détention d’actifs à long terme correspondant aux flux de trésorerie d’un portefeuille donné d’engagements éligibles » ajoute Oliver Trecco. « De tels portefeuilles ont surtout été signalés au Royaume-Uni et en Espagne ». L’ajustement égalisateur est conçu pour encourager l’intégration d’actifs illiquides à revenu fixe, comme les infrastructures « core », qui assurent des flux de trésorerie fixes qui ne peuvent être modifiés par l’émetteur. Pour ce qui est de la dette d’infrastructure, les remboursements anticipés peuvent potentiellement poser problème, car les portefeuilles sous ajustement égalisateur pourraient ne bénéficier de la comptabilisation des flux de trésorerie que jusqu’à la première date de remboursement anticipé. Ce problème peut toutefois être atténué par l’utilisation de clauses de dépenses adaptées.

Les investissements en actions d’infrastructures « core » (ou d’autres secteurs bien sûr) pourraient profiter de la dernière révision (juillet 2019) de la Commission européenne concernant le nouveau traitement des investissements en actions à long terme. En effet, en vertu de cette révision, les portefeuilles d’actions cotées et non cotées dont la durée moyenne de détention est supérieure à 5 ans et dont le siège social est situé dans l’EEE bénéficient d’une charge en capital très réduite (22 % contre 39 % ou même 49 %). Ils doivent cependant être gérés séparément, ce qui peut avoir des répercussions négatives en termes de diversification.

Mesures incitatives liées à la classe d’actifs
Depuis l’entrée en vigueur de Solvabilité II, la Commission européenne a publié une série de réglementations ad hoc visant à inciter l’investissement dans des projets d’infrastructure et des entreprises admissibles, tant sous forme d’actions que d’obligations. Les critères d’éligibilité sont multiples, mais les plus importants sont la prévisibilité et la résilience des flux de trésorerie, ce qui favorise les infrastructures core.

Les réductions de CSR seront plus importantes pour les projets admissibles que pour les entreprises relevant du régime standard. Pour les obligations, l’avantage est particulièrement important pour les instruments non notés, avec des charges en capital réduites de jusqu’à 40 %. Quant aux actions, l’avantage est du même ordre pour les instruments non cotés, qui bénéficieront en outre d’une réduction de l’exposition à l’Equity Dampener.

Selon Olivier Trecco : « de manière générale, comparées aux obligations non notées hors infrastructures, les infrastructures core bénéficient d’un traitement plus favorable dans le cadre de Solvabilité II ».

En parallèle, la norme IFRS 9, qui entrera en vigueur à partir de 2023 pour les assureurs, exigera probablement d’eux qu’ils valorisent un nombre croissant d’actifs financiers à leur juste valeur. Cette évolution aura un impact négatif sur les actifs volatils et encouragera un recours accru à des actifs illiquides et moins volatils comme les infrastructures. Les infrastructures core étant centrées sur le revenu, leur volatilité est généralement particulièrement faible. Il est à noter que les obligations d’infrastructures « core » pourraient également passer le test SPPI et ainsi être comptabilisées au coût amorti ou à la juste valeur par capitaux propres (OCI) réduisant ainsi la volatilité du résultat (P&L).

Allocations en progression constante
L’infrastructure est l’une des composantes des portefeuilles d’investissement des assureurs qui affiche la croissance la plus rapide. Selon Estelle Castres : « nos propres données, basées sur notre collaboration avec les assureurs, montrent que les allocations aux infrastructures représentent en moyenne 2 à 3 % des allocations globales, et nous nous attendons à ce qu’elles s’approchent de 5 % l’an prochain. » Pour rappel, les allocations aux infrastructures étaient encore insignifiantes en 2011.

Les assureurs en mesure de se positionner directement sur les infrastructures sont rares, dit-elle encore : « car de tels investissements exigent beaucoup de ressources internes et beaucoup d’expérience, mais surtout, il faut avoir accès à l’offre. Or peu d’assureurs réunissent toutes ces conditions ».

Les assureurs sont donc nombreux à passer par des fonds d’infrastructure à capital fixe, où les actifs sont mis en commun avec ceux d’autres investisseurs institutionnels. La tendance au co-investissement s’accélère également, les assureurs disposant d’une plus grande marge de manœuvre dans les opérations auxquelles ils participent. « Cela leur permet de faire leur propre due diligence et de faire correspondre les projets à un ensemble spécifique de passifs ou d’attentes en termes de rendement » Estelle Castres.
1 Note Méthodologique. Les données des indices de référence sur les actifs illiquides ne peuvent pas être utilisées sans ajustement – telle que publiées par les fournisseurs traditionnels d’indices – notamment dans l’optique d’estimer la volatilité de ces indices et leur corrélation avec des indices d’actifs liquides. En effet, la valorisation trimestrielle des sous-jacents illiquides, également fondée sur des estimations, peut engendrer un phénomène d’autocorrélation des rentabilités ayant pour conséquence la sous-estimation des volatilités et des corrélations « réelles » de ces indices illiquides. Ce phénomène peut être accru par des biais comportementaux tel que le principe de prudence poussant les gestionnaires de fonds à déprécier plus agressivement les actifs lors de baisses qu’à les apprécier lors de hausses. Afin de capturer les statistiques « réelles » des indices illiquides, il est nécessaire d’opérer un processus de délissage des rentabilités. Ce procédé vise à ajuster la série de rentabilités afin de prendre en compte leur autocorrélation. L’application de notre processus de délissage des données conduit un ajustement à la hausse du niveau de la volatilité et des niveaux de corrélation tout en gardant inchangées le niveau des moyennes des rentabilités.

Publié en juin 2021.

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