Gwenola Chambon, directrice générale de Vauban Infrastructure Partners, nous explique comment les infrastructures sont devenues incontournables dans les portefeuilles.

Points clés

  • Les actifs d'infrastructure ont plus que quadruplé au cours de la dernière décennie et devraient continuer à croître au même rythme dans les années à venir. Trois tendances soutiendront cette évolution : la transition environnementale, la transition technologique et la transition sociale.
  • La sophistication croissante des investisseurs oblige les gestionnaires d'actifs à évoluer, à devenir plus efficaces et à se distinguer de leurs pairs en maximisant leur alpha. Ils doivent investir judicieusement, créer de la valeur et faire croître leurs actifs sur le long terme.
  • Les infrastructures sont essentielles aux communautés, car elles fournissent des équipements vitaux essentiels à la vie quotidienne, tels que l'eau potable, des transports sûrs et efficaces, la communication, l'éducation et la santé. L'industrie doit donc se concentrer davantage sur l'engagement des parties prenantes.
Au cours des dix dernières années, quelles évolutions de la classe d'actifs des infrastructures vous ont le plus surpris ?
Les investissements dans la classe d'actifs ont plus que quadruplé au cours de la décennie écoulée et devraient continuer à croître au même rythme au cours des prochaines années, grâce à l'incroyable engouement des investisseurs. L'intérêt pour les infrastructures s’est vraiment développé dans le sillage de la crise financière mondiale, sous l’influence des investisseurs institutionnels en quête d’alternatives aux investissements obligataires, dans un contexte de faibles taux d'intérêt. La pandémie de la Covid va très certainement accroître l'appétit des investisseurs pour cette classe d’actifs, qui ne cesse de démontrer sa résilience.

Ce qui m’a le plus surprise, c'est l’accélération récente de sa croissance : les infrastructures représentent désormais environ 4 % en moyenne des portefeuilles des fonds de pension, des compagnies d'assurance, des fonds de fonds, des family offices et des établissements de gestion de fortune. La base d'investisseurs s’est diversifiée et s’est sophistiquée. En effet, les investisseurs sont de plus en plus nombreux à rechercher des opportunités de co-investissement direct et se montrent très sélectifs dans le choix des gérants d'actifs. Et il faut savoir que le nombre de gérants d'actifs d'infrastructure a fortement augmenté, de conserve avec le développement de la classe d'actifs. Cependant, on constate une concentration marquée et croissante des actifs : en 2019, sur les 98 milliards de dollars collectés, 69 % l'ont été par seulement 10 sociétés de gestion.

Cet afflux massif de capitaux n'a cependant pas de mal à trouver des opportunités d'investissement. Contrairement aux autres classes d'actifs, qui ont eu du mal à absorber les capitaux, celle des infrastructures peut encore activer de nombreux leviers de croissance. L'UE estime avoir besoin de 270 milliards d'euros d'investissements par an jusqu'en 2030 pour maintenir sa compétitivité.

La classe d'actifs s'apparente-t-elle de plus en plus au private equity ?
Les deux classes d’actifs diffèrent par leur approche d'investissement et les actifs sous-jacents ciblés. Lorsqu'ils investissent dans des infrastructures ‘core’, les investisseurs recherchent des flux de trésorerie prévisibles à long terme, qui leur assurent des performances stables. Les actifs liés aux infrastructures font preuve de résilience (situation de quasi-monopole, actifs réglementés, flux de trésorerie fixés contractuellement à long terme), ce qui justifie la différence de traitement par l’autorité de tutelle des assureurs européens en matière d’allocation de capital.

Les infrastructures et le private equity partagent néanmoins plusieurs caractéristiques communes :

  • une bonne capacité d’origination ;
  • des exigences en matière de structuration ;
  • déploiement des capitaux, réduction des risques et biais value ;
  • la capacité à développer les entreprises en portefeuille via des plateformes leur permettant de devenir de véritables leaders dans leur secteur.
Comment évoluent les stratégies dédiées aux infrastructures ?
La classe d'actifs arrive progressivement à maturité avec des stratégies bien segmentées et des gérants spécialisés, ce qui lui permet de libérer son potentiel de déploiement et de répondre au besoin de diversification des investisseurs. Les approches Core, Core+ et Value-add sont apparues de conserve avec des stratégies plus globales, présentant un biais sectoriel ou géographique spécifique. Des fonds « Godzilla » de plus de 20 milliards de dollars ont vu le jour parallèlement à des stratégies de niche gérant moins de 300 millions d'euros. Des fonds de fonds ont également été créés pour intervenir sur le marché secondaire. Le segment du mid-market offre toujours une multitude d’opportunités. La taille moyenne des gérants d'actifs et des transactions a augmenté de manière progressive et a poussé un bon nombre d'entre eux à quitter ce marché « intermédiaire », laissant davantage d’opportunités aux spécialistes de ce segment.

Selon vous, comment se comporteront les nouveaux segments des infrastructures en cas de récession ?
De nouveaux segments d'infrastructures apparaissent progressivement dans le sillage de l'évolution des besoins des populations. Si les actifs concernés présentent les caractéristiques de solidité et de résilience généralement associées aux infrastructures traditionnelles, ils sont susceptibles de générer d’aussi bonnes performances. Par exemple, les investissements dans les infrastructures numériques n'existaient pas il y a 15 ans et seuls quelques gérants ont commencé à les intégrer dans leurs portefeuilles il y a une dizaine d’années. Ce type d’actifs est aujourd'hui considérée comme la future star du secteur des infrastructures.

Les infrastructures numériques sont en effet devenues essentielles au développement à la vie en communauté et sont aujourd’hui aussi importantes que les services aux collectivités. Et nous découvrons aujourd'hui que non seulement elles sont résilientes aux crises, mais qu’elles offrent également de très bonnes opportunités de croissance.

Comment les infrastructures ont-elles évolué face à l’expertise croissante des investisseurs et à la complexité des actifs ?
La sophistication croissante des investisseurs oblige les gérants d'actifs à évoluer, à accroître leur efficacité et à se démarquer de la concurrence en maximisant leur génération d’alpha. Concrètement, ils doivent faire des acquisitions judicieuses, contribuer à la création de valeur et développer leur activité sur le long terme.

Les investisseurs exigent désormais des normes plus élevées sur de nombreux aspects : fréquence du reporting, granularité des données, performances ESG, empreinte carbone, déploiement rapide et efficace des fonds, niveaux de rendement et de TRI et gestion des risques.

Certains commencent également à investir directement en créant leur propre équipe dédiée aux infrastructures. En tant que gérants d'actifs, nous avons là l’occasion de démontrer que nous pouvons encore créer de la valeur pour eux, via des opportunités d'investissement complémentaires, la structuration de fonds et nos compétences en matière de gestion.

Pendant les phases de récession, nous devons également rappeler aux investisseurs que les infrastructures génèrent de bonnes performances lorsqu'elles sont gérées par des spécialistes possédant une expertise adéquate, des compétences en matière de due diligence ainsi qu’une solide capacité de structuration et de gestion active.

Quelles sont les tendances macroéconomiques qui déterminent l'évolution des infrastructures ?
Il existe trois grandes tendances, à savoir les transitions environnementale, technologique et sociale.

En matière environnementale, compte tenu de l’augmentation des enjeux climatiques et de la sensibilisation croissante aux questions de biodiversité et de qualité de l'air, les attentes des investisseurs ont considérablement évolué. Pour la première fois, le Rapport sur les risques mondiaux 2020 du Forum économique mondial a indiqué que les cinq plus grands risques à l’échelle mondiale sont tous liés à l'environnement. La population réclame désormais des politiques publiques plus respectueuses de l'environnement, un mix énergétique qui promeut les énergies renouvelables et des économies d'énergie.

En ce qui concerne la transition technologique, le secteur des infrastructures est clairement influencé par le traitement des données, l'intelligence artificielle et l’Internet des objets, ainsi que par l'émergence de nouveaux modèles d’entreprise, axés sur des plateformes.

Et en ce qui concerne la transition sociale, il faut savoir que deux tiers de la population mondiale vivront dans des villes d'ici 2050. Les inégalités vont augmenter à mesure que les rangs de la classe moyenne diminueront. Par ailleurs, la population vieillit et les jeunes sont de plus en plus hyper-connectés. Ces trois facteurs vont probablement gagner en importance en raison de la pandémie actuelle, qui servira de catalyseur pour de nouveaux modèles d’entreprise.

Quel est votre regard sur les ruptures introduites par les nouvelles technologies ?
L'obsolescence technologique ou les facteurs susceptibles de nuire à l'utilisation de nos actifs sont des risques majeurs. Dans le cadre de nos travaux de due diligence, nous évaluons la capacité de nos investissements à s'adapter aux nouvelles technologies et leur capacité à fournir un service essentiel aux communautés locales grâce aux progrès technologiques.

Les investissements peuvent parfois être freinés par certaines mesures réglementaires ou par des obstacles politiques, ou par un soutien insuffisant des différentes parties prenantes. Pourquoi est-il important d’instaurer un dialogue avec la population locale et les divers acteurs du secteur des infrastructures ? Les infrastructures jouent un rôle central dans l’organisation sociale car elles fournissent des services essentiels tels que l'eau potable, des transports sûrs et efficaces, des moyens de communication, l'éducation, la santé et des services qui accompagnent le développement économique.

Le secteur a bien évolué et accorde une importance croissante à ses relations avec les parties prenantes, mais cette approche ne s’est pas encore généralisée. Il est toutefois devenu incontournable de nouer des relations de proximité avec les différentes parties prenantes en raison de l'envergure et des multiples facettes des infrastructures, du nombre de personnes qu'elles touchent et de leur impact sur la vie quotidienne.

Quel pourrait être l'impact d'un contexte économique plus protectionniste ?
Un environnement macroéconomique plus protectionniste peut avoir des répercussions négatives sur les chaînes d'approvisionnement des entreprises actives dans le secteur des infrastructures, en les obligeant à donner plus de poids aux fournisseurs locaux. Ce type d’environnement peut aussi être défavorable pour les investisseurs en limitant leur capacité à investir dans certaines régions ou dans des secteurs considérés comme stratégiques par certains pays.

Le risque réglementaire va prendre une place de plus en plus importante dans la due diligence. En effet, les investisseurs voudront savoir quelle est la probabilité d’évolution des règles et connaître leur incidence potentielle sur le développement et les performances des projets d'infrastructure.

Quelles sont vos perspectives pour les infrastructures au cours des dix prochaines années ?
Nous pensons que la classe d'actifs va continuer à se développer et parvenir à la maturité. Les infrastructures sont les éléments constitutifs de notre société et accompagnent les populations pendant plusieurs générations.

Au-delà de leur capacité à générer des flux de trésorerie réguliers, les infrastructures nous offrent également une occasion unique d'avoir une incidence positive sur l'environnement et la société tout entière. Il est donc fort probable qu'elles continueront à susciter un vif intérêt auprès des investisseurs.
Publié en Mars 2021

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