Face à une inflation persistante et à un scénario probable de récession, les investisseurs ajustent leurs allocations

Points clés

  • Surprises par la persistance et la vigueur de l'inflation, les banques centrales ont été contraintes de relever les taux de manière agressive. L'incapacité dans un premier temps à admettre l’inflation puis, dans un second temps, à la maîtriser pourrait entraîner des pressions inflationnistes indirectes durables et un atterrissage brutal des économies.
  • Dans cet environnement, les perspectives des actions et des obligations se sont mises à diverger. Les valorisations des actions ont subi un réajustement significatif, notamment en zone euro, rendant ainsi leur prime de risque plus attractive. Mais la prudence est de mise dans le secteur du crédit, des titres investment grade aux obligations high yield, tant aux États-Unis qu'en Europe.
  • Certains actifs privés peuvent offrir une certaine protection, notamment la plupart des actifs liés aux infrastructures et certains liés aux matières premières et à l'immobilier. Les actifs traditionnels, s'ils sont utilisés dans le cadre de stratégies déployées de manière intelligentes, peuvent également constituer une couverture efficace.
Actuellement, le lexique du secteur de l’investissement est dominé par l'inflation et la récession. Mais comment ces termes - que l’on retrouve fréquemment dans la bouche des investisseurs et de leurs conseillers - peuvent-ils influer sur les portefeuilles ?

Pour Mabrouk Chetouane, Head of Global Market Strategy chez Natixis Investment Managers Solutions, l’impact de la hausse des prix et du ralentissement de la croissance ont bouleversé l'économie. Selon lui, « d'un monde d'abondance, nous vivons désormais dans un monde de pénurie - pénurie d'énergie, de capital et de liquidités ».

Natixis IM Solutions a établi un scénario probable des effets de l'inflation et de la récession et quel pourrait être son impact sur les différentes classes d'actifs.


Comment en sommes-nous arrivés là ?

La persistance et la vigueur de l'inflation ont surpris de nombreuses personnes - notamment les banques centrales - en 2022. Les indices des prix à la consommation ont augmenté de 8 % à 10 % dans les pays développés, l'invasion de l'Ukraine par la Russie ayant entraîné une envolée des prix de l'énergie et, par conséquent, de la composante énergétique des indices des prix.

Indépendamment de l'impact du conflit, l'inflation sous-jacente est également élevée en raison de la demande soutenue de services et de l’augmentation des loyers et du coût des transports. Le marché du travail poursuit sa marche en avant, avec des taux de chômage au plus bas depuis des décennies et des revendications salariales qui augmentent en conséquence. Tous ces facteurs renforcent la thèse selon laquelle l'inflation sous-jacente ne diminuera que modestement en 2023.

En sous-estimant largement la persistance de l'inflation, les banques centrales ont été prises en défaut. Elles ont donc dû relever les taux de manière agressive afin de préserver leur principal atout : leur crédibilité.

« Toutes les banques centrales veulent annoncer un relèvement des taux directeurs et elles n’ont aucune raison de modifier leur position à court terme », précise Mabrouk Chetouane. « Il est peu probable, voire impossible, que les taux d'inflation reviennent vers leurs objectifs, même d'ici 2023, en raison des facteurs structurels qui alimentent une inflation élevée. »


Les risques (et les risques extrêmes) qui se profilent

L'incapacité des autorités monétaires dans un premier temps à admettre l’inflation puis, dans un second temps, à la maîtriser pourrait entraîner des pressions inflationnistes indirectes durables et un atterrissage brutal des économies.

Les incertitudes économiques gagnent du terrain et pèsent sur la confiance des ménages et des entreprises. Le seul facteur de soutien de la dynamique économique, à savoir la demande intérieure, se détériore et entraîne un ralentissement économique plus important que prévu.

Ces risques sont clairement en hausse. Les marchés immobiliers des États-Unis et de la Chine pourraient subir un très net ralentissement, susceptible d’entraîner une augmentation des impayés et une détérioration de la situation financière des ménages et du système bancaire dans son ensemble.

Le risque souverain augmente également, notamment pour les pays de la périphérie européenne. Les inquiétudes relatives à la soutenabilité de la dette sont donc revenues au centre des débats pour la première fois depuis la crise financière de 2011, et réduit par conséquent la marge de manœuvre des États pour relancer l'activité économique. « La détérioration des conditions économiques et financières dans les petits pays émergents pourrait entraîner une réaction en chaîne susceptible d'affecter les économies de taille moyenne », explique Mabrouk Chetouane.

Le scénario en matière de risque extrême, marqué notamment par une interruption complète de l'approvisionnement en gaz en Europe, est maintenant devenu une probabilité sérieuse, entraînant un hiver rigoureux en Europe et, potentiellement, une crise politique dans certains pays du continent.


Le problème du crédit

Dans cet environnement, les perspectives des actions et des obligations se sont mises à diverger.

Les valorisations des actions ont subi un réajustement significatif, notamment en zone euro, et leur prime de risque est redevenue attractive en milieu d’année. Les ratios cours/bénéfices de tous les marchés européens sont repassés en dessous de leur moyenne historique. Mais la croissance attendue des bénéfices reste à deux chiffres pour 2022, malgré les révisions à la baisse constatées en cours d'année.

La situation est tout autre pour les obligations. Le resserrement radical des politiques monétaires en 2022 est intervenu rapidement après la fin des achats des emprunts d'État et, dans certains cas, d'obligations d'entreprises par les banques centrales.

« Pour le moment, nous restons à l'écart du marché obligataire européen », précise Mabrouk Chetouane. Les disparités entre pays y sont trop importantes et tous sont confrontés à leurs propres risques. « Concernant la France, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne, il faut prendre en compte quatre risques baissiers distincts, et c'est tout simplement trop. »

En juillet, les niveaux de volatilité implicite des marchés obligataires européens ont même dépassé ceux observés pendant la crise de la Covid. L'inflation galopante, la pression sur les banques centrales, les risques de récession et la situation politique en Italie ont déclenché des mouvements inhabituels sur les marchés des taux d'intérêt. Les rendements des emprunts d'État allemands ont oscillé entre 180 et 65 pb et ce niveau de volatilité pourrait rester élevé pendant de nombreux mois, notamment en Europe.

À l'inverse, le potentiel d'appréciation des taux à long terme est beaucoup plus limité aux États-Unis et le niveau de portage y est donc attractif. « Le niveau des bons du Trésor américain commençait à redevenir intéressant à la mi-2022, ce qui signifie que nous pouvions miser sur le portage », explique Mabrouk Chetouane.

Dans l'ensemble, cependant, Natixis IM Solutions estime qu'il est prudent de rester sous-exposé à tous les segments du marché du crédit, des titres investment grade aux obligations high yield, tant aux États-Unis qu'en Europe.

Même les TIPS sont un mauvais pari dans l'environnement actuel. Selon lui, le taux d'inflation ne devrait plus guère augmenter aux États-Unis. Même si l'inflation reste élevée, les anticipations d'inflation sont probablement pleinement intégrées dans les prix des TIPS. Il en va de même pour les instruments de nature similaire en Europe.


Les actifs privés peuvent apporter une solution

L'équipe de gestion diversifiée Multi Assets de Natixis IM Solutions peut mettre en œuvre ses vues en investissant dans la centaine de fonds gérés par les affiliés de Natixis Investment Managers. Dans une période d'incertitude accrue, les stratégies dédiées aux actifs privés peuvent être particulièrement utiles pour réduire la volatilité des portefeuilles.

Cependant, tous n’offrent pas une couverture adéquate contre l'inflation : parmi ceux qui en sont capables figurent les actifs liés aux infrastructures, mais aussi certaines stratégies liées aux matières premières et à l'immobilier.

Selon Vauban Infrastructure Partners, par exemple, la nature à long terme des actifs d’infrastructures, dont les flux de trésorerie résilients sont indexés sur l'inflation et font l’objet de contrats à long terme, peut atténuer l’impact de la hausse de l'inflation, de la flambée des prix de l'énergie, voire de la récession. Vauban estime par ailleurs que ses clients sont protégés de la hausse des taux d'intérêt puisque ses actifs sont financés à très long terme sur la base de taux fixes.

Les énergies renouvelables sont l'un des segments du marché des infrastructures qui connaît la croissance la plus rapide. Pour Mirova, spécialiste de la transition énergétique, les énergies renouvelables permettent aux investisseurs de contribuer au financement de la sortie des combustibles fossiles, tout en protégeant les économies, notamment en Europe, d'une dépendance énergétique excessive. Il s'agit également d'un secteur permettant de diversifier un portefeuille dans l'environnement actuel, via des investissements à long terme dans des actifs tangibles, générant des flux de trésorerie relativement stables, peu volatils, liés à l'inflation et peu corrélés aux cycles des marchés financiers.

L'immobilier peut également offrir une corrélation à l'inflation s'il existe un potentiel de hausse des loyers. Même si ce n’est pas encore le cas, AEW estime que les investissements core devraient conserver des écarts de rendement positifs et attractifs par rapport aux bons du Trésor et que leur composante « revenu » devrait prendre le dessus sur la croissance du capital dans les années à venir.

Concernant le private equity, comme pour les actions cotées, il a été démontré que les revenus ne sont pas étroitement liés à la dynamique de l'inflation. Il n'existe guère de preuves, par exemple, que les entreprises technologiques - qui sont pourtant un secteur de base pour le private equity - soient liées à l'inflation. Cela dit, certaines entreprises bénéficient d'un fort pouvoir de fixation des prix et parviennent à répercuter les augmentations de prix sur leurs clients. Elles peuvent être protégées de leurs concurrents par d’importantes barrières à l'entrée ou en fournissant des produits ou services essentiels dont l’élasticité des prix est généralement plus élevée.

La dette privée a toutes les armes pour lutter contre les conséquences de l'inflation sur les portefeuilles, en particulier lorsque les prêts sont à taux variable. Dans cet univers, l’équipe de dette senior de MV Credit accorde des prêts à des entreprises non cycliques de l’upper-mid market, qui sont des émetteurs solides proposant de multiples produits et présents à l’échelle régionale ou mondiale.

Parallèlement, grâce à son approche, l’équipe de gestion en charge des ABS européens d’Ostrum entrevoit sur ce segment de marché un portage plus élevé, assorti d’une faible duration.

Des actifs traditionnels logés dans des stratégies intelligentes

Les actifs traditionnels, lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre de stratégies intelligentes, peuvent également constituer une couverture efficace contre la volatilité et l'inflation.

Il s'agit notamment de stratégies obligataires de performance absolue qui peuvent utiliser de nombreux outils flexibles, plutôt que de chercher à obtenir du revenu via des approches buy-and-hold. La performance absolue peut être obtenue par des approches de type long-short, comme celles employées par l’équipe Alpha bonds de DNCA ou par l'équipe Alpha stratégique de Loomis Sayles. Capables de gérer le risque de duration, ces deux approches reposent également sur des vues macroéconomiques globales.

Concernant les actions cotées, il est difficile d'éviter des pertes en cas de récession pure et simple, mais l'équipe « Value » de Loomis Sayles estime que les titres value sont actuellement plus sûrs pour les investisseurs que les valeurs de croissance.

Face à un environnement volatil, il est aussi possible d’opter pour une exposition longue aux matières premières, pour des stratégies long-short liées à l’inflation ou encore des solutions alternatives liquides qui peuvent tirer parti de la volatilité du marché.

Publié en octobre 2022
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