Points clés:

  • La Finance verte est un levier possible pour lutter contre le réchauffement climatique et transformer l’économie. Cette transformation nécessite des investissements colossaux.
  • La Commission Européenne a lancé son plan d’action pour orienter les capitaux des institutionnels et l’épargne des particuliers vers une économie durable.
  • Les investisseurs institutionnels français, déjà soumis à l’article 173 de la loi Transition Energétique, sont en avance sur le reste de l’Europe en termes de prise en compte des critères ESG dans leur process d’investissement mais des progrès restent à faire, notamment en termes de reporting.
  • La mise en avant de labels verts plus lisibles peut aider les particuliers à mieux prendre en compte les risques ESG et à investir leur épargne dans des produits plus durables.
Selon Philippe Zaouati, Directeur Général de Mirova et Président de Finance For Tomorrow, il faut rediriger les capitaux de façon massive vers le financement de la transition environnementale et le financement d’un modèle économique durable. Les investissements des institutionnels et l’épargne des ménages ne sont pas encore assez fléchés vers des actifs verts.

Philippe Zaouati, la finance peut-elle réellement jouer un rôle contre le réchauffement climatique ?

Nous nous trouvons dans une situation assez particulière aujourd’hui : nos sociétés font face à des transitions majeures et extrêmement rapides. Le changement climatique, que l’on peut inclure plus largement dans une transformation environnementale, est la plus visible et peut-être la plus menaçante. En réponse, nos économies doivent se transformer. Elles doivent permettre à de nouveaux modèles économiques, à de nouvelles infrastructures et à de nouveaux secteurs d’émerger. Cela implique aussi d’accompagner les secteurs et les territoires dont l’activité va décroitre.

La transformation de l’économie nécessite des financements colossaux, dans nos pays développés et encore davantage dans les économies émergentes. Ces capitaux pour l’essentiel sont disponibles. Je pense aux investisseurs institutionnels qui sont à la recherche de placements de long terme. Je pense aussi à l’épargne des ménages, européens notamment, dont une partie trop importante est investie à court terme. Si le rôle de la finance a toujours été de faire se rencontrer les besoins d’investissement avec les besoins de financement, c’est devenu aujourd’hui plus qu’un rôle, mais aussi une responsabilité. Je pense que la finance, peut, et doit, faire se rencontrer ces capitaux avec les besoins de financement de la transformation de nos économies et de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour cela, il faut que les acteurs financiers proposent aux investisseurs des produits clairs, lisibles, adaptés à leur profil en termes de risque notamment. Il faut aussi que ces produits soient performants, ce qui est aujourd’hui rendu possible grâce à l’innovation, au développement de la nouvelle économie. Il s’agit en fait d’investir dans les solutions de demain.

La France a été sur le plan réglementaire pionnière dans la finance verte en demandant aux investisseurs institutionnels de prendre en compte les critères ESG dans leurs décisions d’investissement. L’Europe s’est saisie du sujet. La Commission Européenne a lancé son plan d’action pour une finance durable. Quels en sont les grands principes ?

La Commission a publié un plan d’action en faveur du financement d’une croissance durable le 6 mars dernier, qui a été élaboré dans la foulée de la publication en janvier du rapport du High Level Expert Group sur la finance durable auquel j’ai contribué.

Le plan d’action est structuré autour de trois axes.

Le premier consiste à réorienter les flux de capitaux vers une économie plus durable. Partant du constat que le problème n’est pas la disponibilité des capitaux, mais la capacité collective à les orienter vers des modèles durables, la Commission a souhaité proposer des solutions d’identification et de fléchage. La première d’entre elles est la création d’une taxonomie des activités « durables », qui permettra d’alimenter la création de normes et de labels européens pour les produits financiers, et d’encourager l’investissement dans les projets durables, notamment d’infrastructures. La question de la durabilité devra aussi être intégrée dans le conseil financier et dans la prise en compte des préférences des épargnants. Dernière solution proposée enfin, le développement d’indices de référence (benchmarks) pour orienter les investissements, en particulier pour les sujets climat.

Le deuxième axe du plan d’action consiste à intégrer systématiquement les sujets de durabilité dans la gestion des risques financiers. La Commission étudiera même comment intégrer les sujets de durabilité dans les exigences prudentielles applicables aux banques et aux assurances.

Enfin, le troisième axe consiste à favoriser la transparence et une vision de long terme au sein du secteur financier, en renforçant la publication d’information et les règles comptables en matière de durabilité, et en favorisant une gouvernance d’entreprise plus durable et long-termiste.

Une partie de ce plan d’action s’est traduite dès le mois de mai par une proposition législative, actuellement discutée avec le Conseil et le Parlement européen. Il intègre la proposition de création d’une taxonomie européenne des actifs durables d’ici 2022, l’intégration des aspects ESG dans les devoirs des investisseurs et leurs obligations de reporting, et la définition de méthodologies pour les benchmarks climatiques. Un groupe d’experts, dont un collaborateur de Mirova fait partie, travaille en parallèle à la définition des modalités possibles de mise en œuvre pratique de ces propositions.

La Commission doit être non seulement saluée mais soutenue activement pour son volontarisme et ses propositions qui sont à la fois ambitieuses et très raisonnables.

Les investisseurs institutionnels française sont réglementairement obligés de reporter sur la manière dont ils prennent en compte les critères ESG dans leurs investissements. Quel regard portez-vous sur l’article 173 ?

Sur le sujet du reporting, la France est en avance par rapport aux autres pays. L’article 173, dont l’Europe observe avec plus ou moins de bienveillance les résultats, exige des investisseurs institutionnels de communiquer sur la manière dont ils intègrent les facteurs ESG dans leurs stratégies d’investissement. La dynamique est clairement lancée, et c’est un motif de fierté au niveau français.

Il reste cependant encore beaucoup de marge de progrès : tous les investisseurs institutionnels ne répondent pas encore de manière satisfaisante à leurs obligations de reporting comme le montrent notamment les études de Novethic1. D’autre part, les méthodologies de reporting ne sont pas harmonisées et ne permettent pas facilement de comparer les investisseurs entre eux, ni même de tirer facilement des conclusions sur la compatibilité de ces investissements avec une économie bas-carbone. L’obligation de transparence n’a pas été calibrée pour encourager la réorientation des flux de capitaux vers une économie bas carbone et compatible avec l’accord de Paris, et, de fait, ne suffit pas à y contribuer à l’heure actuelle. On voit d’ailleurs que moins de 2% des encours des 100 premiers investisseurs soumis à l’article 173 sont investis dans des financements que l’on peut qualifier de « verts ».

Enfin, les informations publiées ne sont pas facilement compréhensibles par les épargnants.

Quid des particuliers : comment encourager ces derniers à verdir leur épargne?

La finance verte a besoin des particuliers. Autant la bataille auprès des investisseurs institutionnels est plus ou moins gagnée, autant il est aujourd’hui primordial d’embarquer les citoyens, et leur épargne. Pour cela, la première étape, et la plus importante, est de les interroger. De la même manière qu’on les interroge sur les risques qu’ils souhaitent prendre, on devrait les interroger sur les risques ESG. Souhaitent-ils par exemple s’assurer de ne pas investir dans des entreprises aux mauvaises pratiques ? Ou bien veulent-il contribuer à financer des actifs qui contribuent directement à mettre en œuvre une économie durable ?

Il faut également veiller à protéger les épargnants en tant que consommateurs, pour s’assurer que les appellations appliquées sur certains produits ne soient pas trompeuses et source de confusion : les labels existants, leur amélioration et leur généralisation pour les produits revendiquant certaines caractéristiques de durabilité sont indispensables en la matière. Enfin, on ne pourra pas encourager les épargnants si l’offre verte n’est pas mise en avant avec un effort réel des distributeurs pour proposer les différents produits labellisés et à mettre en avant cette offre durable auprès des épargnants. Des engagements ont été pris par les assureurs, mais le niveau d’ambition annoncé doit encore davantage se traduire dans les faits : les produits d’investissement verts ont une profondeur de marché importante, contrairement à ce que l’on peut lire parfois. L’offre durable doit donc être développée, promue mais aussi mise en avant et expliquée en toute transparence aux citoyens, afin qu’ils comprennent où vont leurs économies quand ils investissent dans un produit « solidaire », dans un produit « responsable », et dans un produit « vert », qui sont avec les labels Finansol, ISR et TEEC, trois approches complémentaires mais très différentes.

A l’heure où l’ESG devient mainstream, comment un investisseur peut-il distinguer les bons des mauvais gérants et se prémunir contre le greenwashing ?

La généralisation de la prise en compte des critères ESG est une excellente nouvelle dont nous nous félicitons. Peu auraient pu prédire cela il y a quelques années. Ce dont nous félicitons encore plus, c’est que, en forte partie, la demande est venue des investisseurs et des citoyens. Je pense que les investisseurs institutionnels travailleront avec les gérants qui partageront leur vision – plus ou moins exigeante. Et qu’au niveau des particuliers, les points évoqués plus haut seront essentiel pour leur donner accès à des produits de qualité, en toute transparence.
1 « 173 nuances de reporting », Novethic, Novembre 2017

Publié en septembre 2018

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