Ce que les investisseurs doivent retenir de la réglementation SFDR
Les sociétés de gestion qui classent leur fonds au sein de différentes catégories de durabilité réalisent qu’il ne s’agit là que d’un premier pas sur le long chemin de la classification des enjeux ESG.
Points clés
- Le règlement SFDR a vocation à améliorer et à standardiser le reporting ESG des sociétés de gestion afin d’offrir plus de transparence aux investisseurs.
- Le volet classification du règlement introduit néanmoins une hiérarchie qui laisse à penser que les fonds correspondant aux articles 8 et 9 seront systématiquement de « meilleure qualité » que les fonds relevant de l’article 6.
- Les mécanismes du règlement SFDR ainsi que les règles de la directive MiF qui imposeront aux distributeurs de fonds d’interroger leurs clients sur leur profil ESG, vont probablement renforcer cette tendance, dans la mesure où les produits relevant de l’article 6 seront jugés inappropriés pour un client ayant une « préférence ESG ».
- Par conséquent, les investisseurs devront sélectionner avec prudence les fonds conformes aux articles 6, 8 ou 9 et, comme toujours, faire le travail d’analyse qui s’impose.
Ce règlement a été mis en place pour améliorer et standardiser le reporting ESG des sociétés de gestion et pour permettre aux investisseurs d’évaluer et de comparer les approches ESG des fonds afin d’accroître la transparence mais aussi d’éviter les pratiques d’éco-blanchiment, ou greenwashing. Cette nouvelle réglementation a toutefois soulevé des questions, notamment concernant la prise de conscience par les gérants d’actifs des conséquences découlant du rattachement de leurs fonds aux articles 8 ou 9, et le volume d’informations nécessaire qu’ils devront produire.
En effet, la classification ne constitue pas la finalité mais plutôt le premier pas sur un chemin qui sera long. À compter de 2022, les fonds conformes aux articles 8 ou 9 devront publier des rapports ESG très standardisés détaillant leur stratégie, leurs caractéristiques, leur indice de référence et leur politique de due diligence en lien avec les critères ESG.
Dans les annexes des prospectus et des rapports annuels des fonds, ces rapports devront également inclure un indicateur de performance clé (KPI) portant sur l’alignement du fonds avec la taxonomie de l’UE, système qui classe les « activités économiques durables » conformes à l’objectif de neutralité carbone de l’Accord de Paris fixé pour 2050.
Dans ce court entretien, Harald Walkate, responsable ESG chez Natixis Investment Managers, et Corentin Couvidat, du département des Affaires réglementaires de Natixis Investment Managers, nous expliquent pourquoi les investisseurs et les conseillers devront savoir « lire entre les lignes » lorsqu’ils évalueront l’impact du règlement SFDR sur l’investissement durable.
Harald Walkate (HW) : En théorie, ce système doit permettre aux investisseurs de mieux comparer les fonds. Mais dans la pratique, ils doivent être prudents et ne pas choisir simplement des fonds tombant dans les catégories associées aux articles 6, 8 ou 9. Le volet classification du règlement introduit une hiérarchie qui pourrait laisser à penser que les fonds conformes aux articles 8 et 9 sont systématiquement de « meilleure qualité ». Cette impression s’explique aussi par le contenu de l’article 6 : celui-ci couvre à la fois les fonds intégrant les critères ESG, sans être pour autant promus comme des « fonds ESG », ce que font la majorité des acteurs de marché, et les fonds qui n’adoptent aucune approche ESG. Ce que le secteur doit absolument éviter c’est un système qui pousse les sociétés de gestion à nommer de manière abusive leurs fonds comme relevant de l'article 8 ou de l'article 9 pour attirer des clients. Si la majorité ou l’intégralité des fonds tombent dans les catégories des articles 8 ou 9, les investisseurs n’auront pas plus d’informations pertinentes qu’avant la mise en œuvre du règlement. Cela pourrait en effet inciter des pratiques dites de « greenwashing » contre lesquelles le règlement est censé lutter.
HW : La mise en œuvre d’une telle réglementation dans une société de gestion telle que la nôtre, compte tenu de sa taille et de sa complexité, nécessite l’implication d’un grand nombre de métiers et de nombreux de nos affiliés de gestion. Cette démarche nous a permis d’élargir le cercle des collaborateurs impliqués dans tout ce qui touche à l’approche ESG. Cela nous a amenés à reconnaître que l’ESG a un sens différent selon les gens et à nous interroger sur la pertinence et l’impact des critères ESG sur les décisions d’investissement. Nous avons également dû établir des consignes pour nos affiliés sur le mode de classification et le nom des fonds et, enfin, nous avons poussé notre équipe ESG à repenser notre politique et nos convictions. Et cela nous a permis d’influencer nos débats internes bien plus que toute politique interne ou groupe de travail dédié à l’ESG.
HW : Plusieurs facteurs ont semble-t-il été à l’origine du règlement SFDR, ce qui n’a parfois pas aidé à identifier ses principaux objectifs et à comprendre les priorités que le régulateur souhaitait imposer aux sociétés de gestion, qu’il s’agisse de mobiliser davantage de capitaux pour atteindre les objectifs ESG, de renforcer la gestion des risques ou de lutter contre l’éco-blanchiment. Pourtant, sans une compréhension commune des problématiques et des objectifs, nous craignons que les solutions proposées ne soient as optimisées voire, dans certains cas, qu'elles soient contre-productives.
CC : Les régulateurs ont souvent déclaré que les catégories du règlement SFDR ne devaient pas être considérées comme des « labels » dans la mesure où elles ne fixent pas de « normes minimales » pour y prétendre, notamment pour les fonds relevant de l'article 8. Cependant, les mécanismes du règlement SFDR ainsi que les règles de la directive MiF qui imposeront aux distributeurs de fonds d’interroger leurs clients sur leur profil ESG, vont probablement renforcer cette tendance, puisque les produits relevant de l’article 6 seront jugés inappropriés pour un client ayant une « préférence ESG ».
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