Points clés

  • Les efforts des investisseurs pour lutter contre le changement climatique se sont principalement orientés vers les secteurs de l’énergie, des services publics et des transports. L’agriculture et l’alimentation sont moins visibles car les investisseurs y sont moins sensibilisés, les médias y accordent moins d’attention et les entreprises de ces secteurs font l’objet de moins d’introductions en bourse susceptibles d’attirer l’intérêt de la communauté financière. La biodiversité y est également plus difficilement mesurable.
  • L’abondance moyenne des espèces (Mean Species Abundance ou MSA) est un bon indicateur pour identifier et quantifier la perte de biodiversité. Elle mesure l’impact sur la biodiversité en calculant l’écart entre l’état de la biodiversité avant et après l’activité d’une entreprise. Cet écart est exprimé comme la perte de biodiversité par rapport à l’état naturel « non perturbé ».
  • Les investisseurs peuvent jouer un rôle de premier plan dans la prévention des pertes de biodiversité dommageables en engeant le dialogue avec les entreprises et en les incitant à améliorer leurs pratiques. Ils peuvent fixer des objectifs ambitieux et tangibles afin de promouvoir une culture de sensibilisation à la biodiversité.
Jusqu’à présent, les efforts en matière de développement durable ont surtout porté sur le changement climatique. Ils incluent généralement la mesure et la gestion des émissions de CO2, ce qui est un pas dans la bonne direction mais néglige un élément essentiel du développement durable.

Si les investisseurs prenaient les mêmes mesures en matière de biodiversité qu’en matière de reporting et de réduction des émissions de CO2, leurs portefeuilles seraient plus durables et ils seraient davantage en mesure d’atténuer leurs risques ESG.

Pourquoi la biodiversité est-elle importante pour les investisseurs ?
La biodiversité est ce qui rend la vie possible. Nos moyens de subsistance aussi bien que nos économies en dépendent. On estime qu’entre 15 et 45 % du PIB mondial est directement lié à la biodiversité.

Les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation en particulier ont un impact immportant sur la biodiversité. Ces deux secteurs sont responsables de 26 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), tandis que 60 % de la perte de biodiversité est due aux pratiques agricoles.

Le débat actuel sur le développement durable a poussé les investisseurs à privilégier essentiellement l’énergie, les services publics et les transports, et ces secteurs ont connu d’énormes améliorations en la matière ces dernières années, principalement liées aux efforts pour atténuer l’ampleur du changement climatique.

L’agriculture et l’alimentation sont moins visibles car les entreprises de ces secteurs font l’objet de moins d’introductions en bourse, les médias y accordent moins d’attention et, par conséquent, les investisseurs y sont moins sensibilisés. Dans une certaine mesure, le public n’a pas pris conscience de la biodiversité autant que du changement climatique en raison de la difficulté à la mesurer.

Si la biodiversité – l'ensemble des espèces animales et végétales existantes – est un concept simple à saisir, elle n’est pas aussi simple à mesurer. Une tonne de CO2 produite en Chine a le même impact sur le changement climatique qu’une tonne produite au Brésil ou en France. Mais la production d’un kilo de viande dans l’un de ces pays a un impact très différent sur la biodiversité en raison des différences entre l’écosystème local, les pratiques agricoles, les réseaux logistiques, l’utilisation des sols, etc.

Une mesure rigoureuse de la biodiversité est essentielle si l’on veut la prendre en compte de manière significative dans les portefeuilles des investisseurs.

Indicateurs de mesure de la biodiversité
Jusqu’à présent, les investisseurs ont rendu compte de la biodiversité en examinant des données qualitatives telles que l’engagement des entreprises, ou les scores ESG relatifs à la biodiversité, comme les procédures et les politiques des entreprises.

Une manière plus efficace de mesurer l’impact de la biodiversité est d’utiliser des paramètres physiques, de la même manière que les tonnes de CO2 sont devenues une norme permettant de mesurer l’impact sur le climat. Ce n’est qu’avec des chiffres concrets que les entreprises peuvent suivre de manière fiable leur performance en matière de biodiversité, la comparer à celle de leurs concurrents et en rendre compte aux investisseurs.

L’abondance moyenne des espèces (Mean Species Abundance - MSA) est sans doute le meilleur indicateur existant pour identifier et quantifier l’impact d’une entreprise sur la biodiversité. La MSA mesure l’écart de diversité avant et après l’activité d’une entreprise. Cet écart est exprimé comme la perte de biodiversité par rapport à l’état naturel « non perturbé ».

Analyser l’ensemble de la chaîne de valeur
L’intégration de la biodiversité dans la construction du portefeuille grâce à l’indicateur MSA permet une approche quantitative rigoureuse de l’investissement ESG. Elle permet de répondre à des questions telles que : quelle quantité de perte de biodiversité peut être attribuée à la production d’un kilo de bœuf ou d’un litre de lait ?

La perte de biodiversité due au secteur alimentaire peut être décomposée en quatre facteurs principaux :

  1. L’utilisation des sols. La modification de la biodiversité à mesure que les forêts sont converties en terres agricoles.
  2. Le changement climatique. La quantité d’émissions de gaz à effet de serre.
  3. Les émissions d’oxyde d’azote. Principalement liées aux engrais.
  4. L’eau. La quantité d’écotoxicité de l’eau douce.
Lorsqu’une entreprise est évaluée sur la base de ces facteurs clés, elle peut se voir attribuer un score global qui représente son empreinte biodiversité. L’évaluation doit porter sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production de matières premières jusqu’à leur transformation en produits finis, en passant par la logistique, le conditionnement et, enfin, la distribution via les supermarchés et les restaurants.

Des données extrêmement précises sont nécessaires à cet effet. Certaines de ces données se trouvent dans les informations communiquées par les entreprises, en particulier dans les quelques pays où la réglementation exige un rapport sur la biodiversité. Mais lorsque la communication fait défaut, il est possible de créer des modèles de substitution. Par exemple, McDonald’s ne divulgue pas la quantité de viande qu’elle vend sur chaque marché. « Mais nous pouvons nous baser sur les ventes totales pour chaque marché et faire le rapprochement avec l’approvisionnement en viande et la biodiversité locale, et ainsi obtenir une estimation relativement précise de son empreinte sur la biodiversité », explique Carmine de Franco, responsable de la recherche chez Ossiam, un affilié de Natixis Investment Managers.

Des initiatives en faveur du reporting sur la biodiversité sont en cours en France et aux Pays-Bas, et sont envisagées dans d’autres pays. « Tout comme le reporting de l’empreinte carbone est obligatoire dans de nombreux pays, le reporting sur la biodiversité est susceptible, à terme, de le devenir également », ajoute Carmine de Franco.

Application systématique d’une série d’indicateurs ESG
Étant donné que les principaux acteurs en matière de biodiversité se trouvent dans les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture, l’univers des entreprises permettant d’élaborer une stratégie en faveur de la biodiversité se limite à ces secteurs. Cela suppose un univers d’investissement d’environ 250 entreprises cotées sur les marchés développés, dont l’activité principale est liée directement ou indirectement à l’alimentation et à l’agriculture.

Les entreprises sont sélectionnées à l’aide d’une série de filtres quantitatifs. Le premier élimine les 20 % d’entreprises les moins performantes du classement des scores ESG alimentaires. Les filtres suivants éliminent les actions les moins performantes en termes d’émission de gaz à effet de serre, les entreprises opérant dans des activités controversées, les entreprises en infraction avec le Pacte mondial des Nations unies, et celles liées au tabac et à l’huile de palme.

La dernière étape vise à réduire autant que possible l’empreinte du portefeuille en matière de biodiversité en utilisant les paramètres de la MSA. Le processus est ensuite appuyé par l’engagement auprès des entreprises bénéficiaires afin d’obtenir des changements tangibles et des résultats concrets.

Carmine De Franco explique : « De cette façon, il est possible d’appliquer de nombreux indicateurs ESG à une seule stratégie, chacun identifiant une problématique ESG différente. On se retrouve ainsi avec des entreprises qui possèdent une conscience ESG élevée, qui présentent une bonne efficacité carbone et un faible impact sur la biodiversité, et qui s’engagent à redoubler d’efforts ».

Le portefeuille obtenu est défensif
Le portefeuille obtenu est fortement exposé aux secteurs de la consommation de base et de la consommation cyclique, qui sont des secteurs défensifs à faible bêta et donc performants sur des marchés volatils (bien que la stratégie ait tendance à sous-performer sur les marchés haussiers stimulés par la technologie, l’énergie et la finance). « Nous n’anticipons pas de la part de cette stratégie une performance équivalente à celles du secteur des technologies ou d’autres stratégies à forte croissance, mais l’agriculture et l’alimentation devraient se développer afin de répondre à la demande d’une population mondiale qui devrait atteindre 11 milliards d’habitants d’ici 2100 », explique Carmine de Franco.

La croissance de la population s’accompagnera d’un changement de régime alimentaire avec l’essor des classes moyennes plus riches sur les marchés émergents. « La croissance démographique et l’évolution des modes de consommation exercent une forte pression sur la biodiversité, car les familles de la classe moyenne des pays en développement améliorent leur régime alimentaire et augmentent leur consommation de produits laitiers et de viande, ce qui rend notre stratégie très pertinente », ajoute-t-il.

Le public appréhende de mieux en mieux cette pression sur la biodiversité. Rien qu’en Europe, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, le président français, Emmanuel Macron, et la présidente de la Banque Centrale Européenne, Christine Lagarde, ont tous récemment mis en garde contre l’impact sur la biodiversité et le capital naturel. Parallèlement, le Forum économique mondial a classé la perte de biodiversité au deuxième rang des risques les plus importants pour la prochaine décennie. Et les Principes pour l’investissement responsable des Nations-Unies ont établi que la perte de biodiversité constituait un risque systémique, nécessitant une action urgente de la part des investisseurs.

Les autorités de régulation commencent également à agir, avec la mise en œuvre en France d’une réglementation sur la communication des questions liées au climat, complétée récemment par des lois sur le reporting des risques liés à la biodiversité.

Conclusion : les investisseurs ont le pouvoir de fixer des objectifs tangibles
Les investisseurs peuvent jouer un rôle de premier plan dans la prévention des pertes de biodiversité dommageables en s’engageant auprès des entreprises et en les incitant à améliorer leurs pratiques. Ils peuvent fixer des objectifs ambitieux et tangibles aux entreprises afin de promouvoir une culture de sensibilisation à la biodiversité et investir en fonction de l’impact d’une entreprise.

« Pour améliorer votre score en matière de développement durable, vous pouvez investir dans de nombreuses entreprises technologiques, ce qui est appréciable, mais cela ne résoudra aucun problème lié au développement durable, déclare de Franco d’Ossiam. « Aux côtés de nos investisseurs, nous voulons avoir un impact important sur le développement durable. Cela signifie ne pas fuir les problèmes, mais identifier les entreprises qui peuvent générer la plus grande contribution à la protection de la biodiversité ».
Publié en juillet 2021.

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